Dialogue social et après ?

La conférence sociale des 9 et 10 juillet promet une vraie réforme du dialogue social. Mais les divergences sur le traitement de la crise entre syndicats et patronat sont profondes.

Thierry Brun  • 12 juillet 2012 abonné·es

Les salles du palais d’Iéna n’ont jamais autant bruissé de confidences de ministres, de dirigeants syndicaux et patronaux. Près de 300 personnes étaient réunies ce 9 juillet au siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese) pour plancher sur l’emploi, les services publics, l’égalité professionnelle, la formation professionnelle, les retraites et la protection sociale, lors de la « grande conférence sociale » mise en musique par le gouvernement avec l’idée lancée par François Hollande d’un « compromis positif », qui a laissé dubitatif les syndicats de salariés. Pas de tabou sur les sujets, ont assuré quelques dirigeants syndicaux et les ministres qui ont animé les débats. Les discussions des sept tables rondes ont cependant été préparées à l’avance dans les cabinets ministériels, avec les confédérations syndicales et les organisations patronales, l’ambition étant d’établir un « diagnostic partagé », et, surtout, d’engager une « culture de négociation » pour le quinquennat. Michel Sapin, ministre du Travail, a identifié à l’issue de la journée un « appétit de dialogue » et la volonté « de fonder un véritable dialogue social qui soit déjà dans le concret, qui permette d’avoir un calendrier le plus précis possible sur : de quoi va-t-on parler, comment va-t-on en parler et à quelles dates… ».

Dès l’ouverture de la conférence sociale, François Hollande a présenté son projet d’inscrire le dialogue social dans la Constitution pour « mieux garantir » le modèle social. Le chef de l’État en a tracé les principes : « fixer un agenda cohérent et partagé permettant d’avancer en commun », et inscrire dans la durée ce dialogue, avec la promesse d’un « suivi régulier », « élément absolument indispensable et incontournable de l’élaboration des textes qui concerneront le domaine économique et social », a promis Michel Sapin. « On nous propose des concertations avant chaque projet de loi de finance de la Sécurité sociale. Et c’est important qu’il y ait des rencontres pluriannuelles de concertation. Il faut arriver à poser les bases du modèle social pour le maintenir », a défendu Danièle Karniewicz, de la CFE-CGC, qui a participé à la table ronde sur la protection sociale. « Le grand risque serait de dire que nous n’avons décidé de rien, que beaucoup de sujets sont posés sur la table, et que finalement on va prendre du temps. On n’a pas le temps !, a averti Mohammed Oussedik, qui représentait la CGT dans la table ronde consacrée au redressement productif. Il y a aujourd’hui 80 000 emplois menacés dans divers secteurs, il faut donner des droits aux salariés, tout de suite ! »

Selon Annick Coupé, représentante de l’Union syndicale Solidaires, à la table ronde sur les services publics, un « espace de dialogue a certes été ouvert. On a listé les sujets. Mais je ne suis pas certaine que l’on aura les mêmes conceptions sur les services publics. On a posé la question de son financement et on nous a répondu que cela renvoie à d’autres débats, notamment sur la fiscalité… ». Les divergences restent profondes entre syndicats et patronat tant sur le diagnostic que sur les solutions à apporter. Sur la compétitivité, la patronne du Medef, Laurence Parisot, a insisté sur le coût du travail et la rigidité du marché du travail, qui, selon elle, pénalisent les entreprises. De son côté, François Chérèque a constaté « que le financement de la protection sociale porte uniquement sur le travail alors que de nombreux revenus autres que le travail ne financent pas au même niveau la protection sociale », « d’où la proposition de basculer une partie du financement sur la CSG ». Une piste que le gouvernement explore, mais que la CGT et FO rejettent.

La culture de négociation a trouvé ses limites sur la flexibilité du travail et surtout sur les réductions d’effectifs chez les fonctionnaires, pomme de discorde entre syndicats et gouvernement. Les conflits reviendront vite sur le devant de la scène pour bloquer les offensives du patronat, ont promis en coulisses certains syndicalistes.

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