La malédiction socialiste

Contrairement à ses promesses, François Hollande n’a pas obtenu à Bruxelles une renégociation du pacte budgétaire européen. Une reculade qui en rappelle bien d’autres sur la construction européenne.

Michel Soudais  • 5 juillet 2012 abonné·es

L’Europe ne réussit pas aux socialistes. François Hollande et ses amis ont beau multiplier les astuces rhétoriques pour présenter le résultat du Conseil européen sous un jour favorable, les faits sont têtus. Candidat, le président de la République avait promis — c’était le onzième de ses « 60 engagements pour la France » — de renégocier « le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction ».

Or, la semaine dernière à Bruxelles, le texte signé par les Vingt-sept le 2 mars et déjà ratifié par neuf pays n’a été modifié en rien. Quant au « pacte pour la croissance et l’emploi », arraché nous dit-on par la France et censé rééquilibrer un traité qui condamne les peuples européens à l’austérité, il est essentiellement composé de mesures déjà prises — certaines figuraient dans les conclusions du sommet des 1er et 2 mars — ou en cours de validation au sein des instances européennes.
La reculade de François Hollande, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi, en rappelle une autre. Au cours de la campagne des élections législatives du printemps 1997, le PS s’oppose vigoureusement au « pacte de stabilité » négocié par Jacques Chirac en décembre 1996 à Dublin, au nom du refus de l’austérité en période de fort chômage. Ce pacte constituait la première étape vers l’élaboration d’un traité modifiant celui de Maastricht, qui devait être validé le 18 juin 1997 à Amsterdam, et ouvrait la voie au passage à la monnaie unique prévu en 1999.
Lionel Jospin annonce vouloir renégocier le pacte de stabilité afin de le remplacer par un pacte de solidarité : « Le pacte de stabilité, c’est du super-Maastricht, et c’est une concession que le gouvernement français a faite absurdement aux Allemands ou à certains milieux allemands. Donc, je n’ai aucune raison de me sentir engagé par rapport à cela. »
 Le PS accepte la monnaie unique, mais l’assortit de quatre conditions restrictives constamment réaffirmées par leur chef de file : inclusion des pays de l’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal), parité adéquate face au dollar et au yen, nécessité d’un « gouvernement économique » face à la Banque centrale européenne, enfin, insistance sur l’emploi et la croissance autant que sur l’indispensable discipline budgétaire pour les pays participant à l’euro.


Une dizaine de jours après sa nomination à Matignon, Lionel Jospin accepte finalement le pacte décrié au sommet d’Amsterdam et se contente d’une résolution sur la croissance et l’emploi qui, assure-t-il dans sa déclaration de politique générale, le 21 juin, « complète et équilibre le pacte de stabilité ». Il n’en sera rien, et la promesse d’aller « vers une Europe plus sociale et garante de progrès » sera une nouvelle fois déçue.
Le même scénario se reproduit en 2003 quand le PS découvre la première mouture du traité constitutionnel européen. En pleine préparation des élections européennes, son conseil national énonce « sept exigences » dont il réclame la prise en compte. Parmi celles-ci : une base juridique claire pour la protection et le développement des services publics ; la possibilité d’adopter à la majorité qualifiée des mesures d’harmonisation fiscale et sociale ; la création d’un vrai gouvernement économique ; l’assouplissement des mécanismes de coopération renforcée… Mais quand après avoir gagné les élections européennes de 2004, François Hollande et la plupart des dirigeants socialistes entraînent le PS à voter « oui », ces « exigences » sont loin d’être satisfaites.
L’histoire ne se répète pas. Quand elle le fait, on peut y voir une malédiction. Qui va entacher durablement le quinquennat qui commence.

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