Proprios mauvais joueurs

L’Union nationale de la propriété immobilière porte plainte contre les aides au parc HLM, qu’elle accuse de concurrence déloyale.

Clémence Glon  • 12 juillet 2012 abonné·es

Les HLM manquent. La faute aux classes moyennes qui accaparent les logements sociaux, au détriment des plus pauvres et des bailleurs privés. C’est la réponse toute trouvée de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), qui, le 5 mai dernier, a déposé une plainte – dévoilée le 2 juillet – devant la Commission européenne contre les aides publiques accordées aux HLM, pour concurrence déloyale.

Chiffres à l’appui, l’UNPI estime dans un communiqué que ces aides « créent des distorsions de concurrence injustifiées tout en prouvant leur inefficacité au regard du but poursuivi : le logement des plus démunis ». Selon l’association de propriétaires, 380 000 ménages dont les revenus sont supérieurs à 4 000 euros par mois vivraient dans une habitation à loyer modéré. Des chiffres largement discutables – voire erronés – comme l’explique Laurent Ghekiere, représentant auprès de l’Union européenne de l’Union sociale pour l’habitat (USH) : « L’UNPI mélange trois catégories de données : le parc HLM, le parc privé locatif qui appartient à la municipalité et qui n’est pas du logement social, et les immeubles à loyer normal (ILN). »

Selon l’Insee, le parc social abriterait près de 200 000 foyers aux revenus supérieurs à 4 000 euros mensuels. Un chiffre encore important, qui s’explique par le fait que ces habitants ont vu leur situation évoluer après l’obtention du logement. Pour rectifier le tir, les offices HLM leur appliquent alors un surloyer. « Ces surloyers permettent de diminuer les loyers de familles plus modestes. Ils créent également de la mixité », explique Jean-Baptiste Ayrault, président du Droit au logement (DAL). Pour l’association, les critères d’attribution des logements sociaux demeurent trop variables selon les réservataires (État, mairies et autres financeurs). « Une demande peut prendre six mois à dix ans », poursuit Jean-Baptiste Ayrault. Mais la levée de l’opacité sur la façon dont sont attribués les logements sociaux n’est pas la préoccupation première de l’UNPI. « Très clairement, l’UNPI souhaiterait maintenir les prix exorbitants du locatif privé en gardant la clientèle la plus aisée », considère Jean-Baptiste Ayrault.

Des propriétaires privés aux Pays-Bas et en Suède s’étaient déjà tournés vers la Commission européenne pour déposer des plaintes similaires. Dans les deux cas, les critères d’attribution des logements sociaux ont été revus. « Aux Pays-Bas, un plafond de revenus a été introduit, rappelle Laurent Ghekiere. Quant à l’État suédois, il a préféré sortir le logement social des services d’intérêt général, et placer au même niveau coopérateurs HLM et commerciaux. » Mais contrairement à ces deux pays, la France a déjà des critères d’attribution précis basés sur le revenu et le nombre d’enfants.

La loi Boutin, sur la mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, votée en mars 2009, prévoit par ailleurs qu’à partir de 2014, un foyer qui touchera plus de deux fois le seuil de revenus toléré dans les logements sociaux devra déménager dans les trois années à venir. « Cela a été difficile à mettre en place. Il n’est pas question d’expulser les 10 000 familles concernées », précise Laurent Ghekiere. La Commission européenne mettra plusieurs mois pour juger si la plainte pour concurrence déloyale est recevable. « Elle ne pourra que constater la frontière nette entre parc social et logements privés en France, rassure Laurent Ghekiere. L’UNPI continue simplement sa campagne médiatique de dénigrement des HLM ».

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