Ronan Dantec : « Le nucléaire n’est plus compétitif »

Un rapport sénatorial pointe les défis posés par la hausse des coûts de l’électricité.

Laurène Perrussel-Morin  • 26 juillet 2012 abonné·es

Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le coût réel de l’électricité [^2], remis le 11 juillet, souligne les limites du modèle énergétique français : le nucléaire est une énergie à risque de plus en plus coûteuse. Selon Ronan Dantec, sénateur EELV, membre de la commission, une transition s’impose.

Quelles sont les raisons de la hausse du coût de l’électricité ?

Ronan Dantec : La commission de régulation de l’énergie estime qu’il faudrait augmenter d’environ 30 % le prix de l’électricité dans les prochaines années pour que le système soit à l’équilibre. Il faut faire face au sous-investissement sur les réseaux, qui ont besoin d’être renforcés et modernisés. De plus, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) est sous-dotée. Celle-ci va augmenter à cause des énergies renouvelables, mais pas seulement. Enfin, le coût de production, lié notamment au nucléaire, continue d’augmenter. On pourrait imaginer d’autres systèmes, par exemple que la CSPE soit abondée par des recettes telles que la future taxe carbone. Ce n’est pas au consommateur d’assumer la totalité de la hausse.

Peut-on développer un nouveau système électrique ?

La France est en train de se marginaliser, parce qu’aujourd’hui la part de richesse nationale consacrée à l’électricité est bien supérieure à la moyenne européenne. C’est autant d’argent qui ne va pas dans d’autres secteurs économiques. Le nucléaire nous permet d’avoir une facture d’électricité plus légère que nos voisins européens, mais le coût du kilowattheure est sous-estimé. Le système français est fondé sur le gaspillage et sur des prix qui augmentent rapidement. Les Français consomment beaucoup plus d’électricité que les autres Européens. Le rapport montre que le nucléaire n’est plus compétitif. On a utilisé tous nos moyens industriels de recherche et de développement sur une filière qui n’a plus de débouchés. Il faut remettre le système à plat et accompagner la montée en puissance des énergies renouvelables, comme partout en Europe, avec un prix de garantie de 70 ou 75 euros le mégawattheure. Mettre en place la décentralisation, avec un « consomm’acteur » qui module sa consommation suivant les heures de la journée. Pour que la France retrouve sa compétitivité, il faut sortir du nucléaire et lutter contre le gaspillage.

Une conférence environnementale a été annoncée pour la rentrée. Pensez-vous qu’elle peut peser dans ce débat ?

La ministre de l’Écologie, Delphine Batho, a dit clairement que la conférence environnementale ne portera pas sur les questions de fond de la transition énergétique. Il s’agit d’une amorce de débat. Je partage son avis : un débat d’une telle complexité ne peut pas se trancher en une journée. Ce débat doit prendre en considération tous les acteurs. On pourrait envisager une loi de qualité courant 2013. La commission d’enquête a montré des convergences entre les socialistes et les écologistes. Nos propositions vont dans le sens de la transition énergétique proposée par François Hollande, c’est-à-dire la non-prolongation des centrales actuelles. Le débat devra répondre à des questions techniques, notamment sur la précarité énergétique. Le rapport retient ainsi la proposition du médiateur de l’énergie de mettre en place un chèque énergie adapté à la consommation de chaque ménage. On a beaucoup de travail, mais je pense que le rapport sénatorial éclaircit déjà les choses.

[^2]: Rapport n° 667 de Jean Desessard, déposé le 11 juillet 2012, disponible sur le site Internet du Sénat.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

A69 : des usines à bitume irritent les riverains

Reportage 10 décembre 2025 abonné·es

A69 : des usines à bitume irritent les riverains


Depuis cet automne, deux usines pour fabriquer l’enrobé de l’A69 ont été installées à proximité du tracé. Les potentiels rejets de substances toxiques inquiètent des riverains, qui ont conçu leurs propres capteurs d’air.
Par Vanina Delmas
A69 : les cinq enjeux d’une audience cruciale
Décryptage 10 décembre 2025 abonné·es

A69 : les cinq enjeux d’une audience cruciale

Une audience cruciale est prévue à la cour administrative d’appel de Toulouse ce jeudi 11 décembre pour acter ou non la poursuite du chantier de l’A69. Décryptage des principaux enjeux.
Par Vanina Delmas
Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 
Entretien 10 décembre 2025 abonné·es

Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 

Il y a dix ans, lors de la COP 21, 196 pays s’engageaient dans l’accord de Paris à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour contenir le réchauffement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Depuis, la climatologue ne ménage pas son temps pour faire de la vulgarisation scientifique et reste une vigie scrupuleuse sur la place des faits scientifiques.
Par Vanina Delmas
Serment de Cambrai : des mutuelles s’unissent contre les ravages des pesticides
Initiative 4 décembre 2025 abonné·es

Serment de Cambrai : des mutuelles s’unissent contre les ravages des pesticides

Face à l’explosion des maladies chroniques, des complémentaires santé s’engagent contre l’agrochimie en France et en Europe, notamment en prévoyant d’investir dans des projets agroécologiques.
Par Vanina Delmas