Islande : l’aveu du FMI

Promis à la faillite en 2008, le pays vient d’être félicité par le Fonds monétaire international et progresse vers la sortie de crise.

Thierry Brun  • 13 septembre 2012 abonné·es

Dans un récent entretien pour l’hebdomadaire américain Businessweek, Daria Zakharova, chef de la mission économique en charge de l’Islande au sein du Fonds monétaire international (FMI), a fait un éloge remarqué de l’île arctique de près de 320 000 habitants. « L’Islande a fait des progrès considérables depuis la crise. Nous avons des perspectives très positives en matière de croissance, particulièrement pour cette année et l’année prochaine, puisqu’elle nous paraît reposer sur une base large et solide. » L’hebdomadaire remarque que l’Islande aurait « quelques leçons à donner aux pays  [de la zone euro] qui tentent de survivre aux plans de sauvetage » du FMI et de l’Union européenne. « Le FMI félicite l’Islande pour son bras d’honneur aux banquiers », a ironisé Bakchich.info, un des rares sites d’information à avoir relevé et traduit l’analyse qu’a faite Daria Zakharova dans Businessweek du « plan de sauvetage à la manière islandaise ». Elle considère notamment que « le fait que l’Islande soit parvenue à préserver le bien-être social des ménages face à une consolidation fiscale de grande ampleur […] est une des plus grandes réussites du programme et du gouvernement islandais ».

Sans le reconnaître, la représentante du FMI a défendu des mesures anticrise qui donneront du grain à moudre aux adversaires du traité budgétaire européen, lequel engage les États signataires à maintenir des budgets en équilibre, une solution qui plonge actuellement les pays de la zone euro dans une austérité sans fin. Car, à la suite de la crise financière de 2008, les Islandais ont échappé à la faillite et au chaos des plans d’austérité en utilisant une méthode qui défie l’orthodoxie économique prônée par l’Union européenne [^2]. Pour faire face à la dette cumulée par les trois banques privées les plus importantes (Kaupthing, Glitnir et surtout Landsbanki avec sa filiale Icesave), qui s’élevait à dix fois le PIB du pays, des consultations populaires ont été organisées. Les Islandais ont d’abord rejeté une loi qui prévoyait le remboursement par Reykjavik d’une dette de 3,8 milliards d’euros aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Puis les trois banques coupables ont temporairement été nationalisées, et les créanciers ont dû assumer leur part de responsabilité dans la crise de la dette en n’étant remboursés qu’à hauteur des actifs disponibles. Deux autres mesures importantes ont été retenues par Reykjavik. La couronne islandaise a été fortement dévaluée, et le plan d’austérité préconisé par le FMI et l’Union européenne [^3] a été remplacé par un rééchelonnement significatif de la dette et par des taux d’intérêt plus bas. La banque centrale a ainsi remboursé récemment la dette de 1,25 milliard d’euros contractée auprès du FMI et a accéléré le désendettement du pays en utilisant sa capacité à emprunter à des taux inférieurs à ceux consentis par le FMI. De son côté, le géant bancaire Landsbanki a transféré 470 millions d’euros au fonds destiné à rembourser les Britanniques et les Néerlandais.

L’économie du pays ne s’en porte pas plus mal : parmi les bonnes nouvelles, le PIB a connu sa progression la plus élevée depuis la crise (3,1 % en 2011 et près de 3 % prévus en 2012). Les salaires ont progressé de 10,3 % entre le premier trimestre 2011 et celui de 2012, et le taux de chômage a baissé (5,6 % en mai) après avoir connu un pic à plus de 8 % en 2011. Depuis la « révolution des casseroles », les exportations ont progressé, ainsi que les importations, effet de la reprise de la consommation et de l’activité. Ainsi, l’Islande, qui avait fondé sa prospérité sur un secteur bancaire hypertrophié et qui a vu son économie terrassée par la crise financière mondiale, a surmonté la crise, admet le FMI. Le non des Islandais aux remèdes austéritaires a aussi des conséquences politiques qui pourraient inspirer les pays membres de la zone euro. Un nouveau référendum est prévu le 20 octobre : les Islandais devront se prononcer sur une réforme constitutionnelle qui doit revoir la répartition des pouvoirs, organiser la transparence et permettre une plus grande participation des citoyens.

[^2]: Lire « Islande, le petit pays qui a dit non », Politis n° 1203, 17 mai 2012.

[^3]: L’Islande est membre de l’Espace économique européen.

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