Marseille quartiers nord : Un vain combat

Les quartiers nord de Marseille sont surtout victimes d’un désengagement politique.

Clémence Glon  • 6 septembre 2012 abonné·es

Ils ont été décrétés « zone de sécurité prioritaire » (ZSP) dès la fin du mois de juillet. Après la mort d’un homme de 25 ans sous les tirs d’une kalachnikov, les quartiers nord de Marseille préoccupent à nouveau le ministère de l’Intérieur et deviennent le terrain privilégié de la mise en place d’une des quinze ZSP programmées. Si la feuille de route rédigée par Manuel Valls annonce des moyens supplémentaires pour la police locale et une concertation avec les acteurs du secteur, le problème marseillais dépasse pourtant la simple problématique sécuritaire. Karima Berriche, sociologue, dirige le centre social L’Agora, dans le XIIIe arrondissement de la ville, depuis près de dix ans. Elle n’a pas attendu ce nouveau meurtre en pleine rue pour se rendre compte de la situation de « relégation sociale et urbaine » du territoire où elle travaille. Depuis des années, la situation économique des habitants se dégrade. « Pour s’inscrire aux activités du centre, certaines personnes nous demandent d’attendre pour encaisser leur chèque de 17 euros, explique Karima Berriche. Aujourd’hui, la fin du mois commence dès la deuxième semaine. » Alors qu’un comité interministériel se tiendra le 6 septembre pour évoquer le « cas marseillais », les habitants des quartiers nord ont depuis longtemps fait le deuil des politiques publiques. Le jeu de chaises musicales des élus locaux, les effets d’annonce après l’émoi du fait divers et le lancement de projets de renouvellement urbain n’ont pas fait bouger les choses. « Bien sûr que tout cela est pesant, poursuit Karima Berriche. Mais, comme la pauvreté, le trafic de drogue fait partie de notre réalité. Nous sommes obligés de composer avec lui. »

Pour la sociologue, l’intervention de l’armée – souhaitée par la sénatrice PS Samia Ghali – désavouerait le travail mené par les forces de l’ordre et placerait les trafiquants de drogue sur le même pied qu’ « un envahisseur étranger ». « Les élus se trompent de combat. La drogue n’est qu’un symptôme du malaise des quartiers nord. La véritable maladie, c’est le chômage. » Des jeunes qui veulent trouver un emploi, L’Agora en voit défiler tous les jours. Parfois, ce sont les mêmes qui vivotent de petits deals à quelques rues de là. « Ce sont des gamins qui ont des rêves, qui ont envie de s’en sortir, lance Karima Berriche. Mais c’est tellement difficile quand on dispose d’un réseau social quasi inexistant, d’un bagage culturel faible et qu’on porte un nom à consonance étrangère. »

Société Police / Justice
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes
Terrorisme 28 juin 2025

Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes

De l’instruction à la barre, les 16 prévenus ont constamment invoqué la crainte de la guerre civile qui les a poussés à rejoindre le groupe. Ils ont brandi cette obsession, propre à l’extrême droite, pour justifier les projets d’actions violentes contre les musulmans.
Par Pauline Migevant
Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale
Idées 28 juin 2025 abonné·es

Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale

L’idéologie accélérationniste s’impose comme moteur d’un terrorisme d’ultradroite radicalisé. Portée par une vision apocalyptique et raciale du monde, elle prône l’effondrement du système pour imposer une société blanche.
Par Juliette Heinzlef
« Notre école est le dernier service public du village »
École 26 juin 2025

« Notre école est le dernier service public du village »

Depuis vingt ans, 7 000 écoles publiques ont été fermées. Celle du Chautay, dans le Cher, pourrait également disparaître. Cette école est l’une des dernières classes uniques de ce département rural. Des parents d’élèves, dont Isabelle, ont décidé de lutter pour éviter cette fermeture.
En CRA, sans traitement contre le VIH, Joes est menacé d’expulsion
Asile 26 juin 2025 abonné·es

En CRA, sans traitement contre le VIH, Joes est menacé d’expulsion

Depuis deux mois, l’homme de 23 ans est retenu au CRA de Cornebarrieu (Haute-Garonne), où il n’a pas reçu son traitement contre le VIH. Les associations demandent une réévaluation de son dossier. Politis a pu le joindre.
Par Élise Leclercq