Festival du vent en Corse: la réflexion sur la violence s’invite dans les discussions

La spéculation foncière sur le littoral d’une île championne de la précarité serait responsable d’une grande part de la violence

Claude-Marie Vadrot  • 31 octobre 2012
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Festival du vent en Corse: la réflexion sur la violence s’invite dans les discussions
© Photo : Eric Beracassat / Only France

Le Festival du vent, qui s’est achevé le 31 octobre, a marqué son vingtième anniversaire en élargissant les thèmes abordés dans les conférences au-delà de l’écologie. Après une table-ronde très suivie sur les délocalisations animée par Eric Laurent et Politis , la question de la violence en Corse, actualité brûlante, a été abordée en présence d’un représentant des nationalistes de l’île et du Président de l’assemblée territoriale, Dominique Bucchini, par ailleurs élu sous l’étiquette Front de Gauche.

Tandis que le représentant des nationalistes mettait en cause les longues années de la gestion passée de l’Ile, Dominique Bucchini a été plus précis. Il a évoqué la responsabilité « d’une maffia qui a choisi le littoral comme champ d’actions alors qu’aucun Corse n’est plus en mesure de s’acheter un terrain de 1500 mètres carrés pour construire. C’est désormais réservé aux riches. Or, l’île est particulièrement touchée par le chômage et la précarité. Et la Corse est la plus mal lotie des régions françaises en matière de formation permanente » .

Le président Bucchini reconnaît que la Corse est désormais « la championne de France des inégalités sociale et de l’échec scolaire » . Les participants au débat ont également insisté sur la vie chère mais sans vraiment se prononcer, comme les élus, sur la singularité corse qui consiste, par exemple, à importer plus de 80 % des fruits et légumes frais consommés dans l’île. Pour la spéculation foncière qui consiste à acheter des terrains inconstructibles en espérant que les pressions politiques locales les transformeront en terrains à bâtir, aucune solution pratique n’a été évoquée. Il suffit d’ailleurs de prendre le train qui relie Calvi à l’Ile Rousse le long de la côte avant de traverser la montagne, pour constater que beaucoup de villas ou restaurants tout neufs se trouvent à moins de 100 mètres du littoral contrairement à la loi littoral votée en 1986 et imposant l’interdiction de construire à moins de cent mètres de la mer. Loi qui prévoit aussi la préservation des espaces proches de cette limite, préservation qui ne semble guère respectée.

Après la réunion qui a fait salle comble, un militant écologiste expliquait en refusant de donner son nom « par prudence » : « les constructions anarchiques se poursuivent parce que trop de maires sont assurés d’une quasi-impunité, parce que les profits sont immenses pour tout le monde quand un terrain agricole est déclassé. C’est comme cela que se constituent les grandes fortunes de l’Ile et que s’organisent les rivalités entre des groupes criminels qui cherchent à éliminer la concurrence et à intimider ceux qui voudraient que cela change et que le tourisme ne soit pas la seule perspective de l’île. Cela pèse sur l’agriculture qui devrait être prospère, cela pèse aussi sur le recours aux énergies renouvelables. Comment expliquer qu’il n’existe qu’un vingtaine d’éoliennes sur l’île ou qu’à la sortie de Calvi on construise encore des villas ou des immeubles sans le moindre équipement solaire, qu’il s’agisse de chauffe-eau thermiques ou de panneaux voltaïques alors que nous avons tant de soleil !» .

Écologie
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