Forme asphyxiante

Rêve et silence, de Jaime Rosales, sur la perte d’un enfant.

Christophe Kantcheff  • 4 octobre 2012 abonné·es

Certains films donnent à voir avec ostentation les dispositifs esthétiques qui les gouvernent. C’est le cas de Rêve et silence, quatrième long-métrage de l’Espagnol Jaime Rosales. Le cinéaste a ainsi proposé aux comédiens une improvisation totale devant la caméra. Peut-être pour contrebalancer l’effet de réel obtenu – dialogues pas toujours assurés, sorties de champ inopinées des personnages qui laissent le cadre vide –, il a choisi de tourner en noir et blanc, en lumière naturelle, ce qui donne à l’écran un gros grain très « arty », et en scope. Peut-être Jaime Rosales s’est-il engagé dans ce volontarisme esthétique parce que son sujet est lourd : un couple espagnol avec deux enfants, vivant à Paris, perd l’une de ses filles dans un accident de voiture. Peut-être a-t-il voulu arracher du naturalisme et du prosaïsme son film, auquel il a souhaité donner, semble-t-il, une dimension spirituelle. La démarche est louable mais débouche sur un formalisme trop prononcé, qui finit par asphyxier l’émotion. La plus belle scène se déroule au cimetière. La caméra filme de loin la famille assistant à la mise en caveau du cercueil, assumant ainsi son extrême discrétion et sa pudeur. Mais quand celle-ci se rapproche, les comédiens semblent paradoxalement prisonniers d’un système. La liberté demande souvent plus de simplicité.

Cinéma
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