À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 8 novembre 2012
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C’est une collection, « Fiction à l’œuvre », qui fait le lien entre l’art contemporain et la littérature. Pas franchement nouveau. Mais le texte de Fred Léal sur l’œuvre intitulée Sans titre d’Hubert Duprat est tout sauf académique.

Je crois avoir lu tous les livres de Fred Léal, mais serai bien en peine de caractériser brièvement ses écrits, sinon qu’il pratique une poésie libre, prosaïque et drolatique. Les trois mots conviennent aussi à la Nostalgie, camarade ?, publié par les éditions Confluences associées au Fonds régional d’art contemporain Aquitaine (74 p., 10 euros), dans le catalogue duquel Léal a choisi son objet.

Drôle d’objet ce Sans titre, œuvre désormais immatérielle, installation éphémère, l’écrivain ne l’a même jamais vue. Ou plutôt si, une fois, en 1989, alors qu’il était étudiant en médecine et qu’un copain l’avait entraîné dans une pseudo-galerie d’art devant « un bloc de béton […] beau comme le premier morceau de punk surgi dans une nuit jusque-là paisible ». Mais gare, pas sûr. Car, pour parler de Sans titre et d’Hubert Duprat, Fred Léal puise dans la fiction, et même dans le « dégoulis autofictionnel ». Il faut bien réinventer, recomposer la chose absente.

Des larves sur lesquelles Duprat a travaillé aux critiques d’art (ne pas voir de rapprochement abusif), de « Pascal », un confrère artiste de Duprat (Pascal Convert) à Roger Caillois, la plume de Fred Léal chemine allégrement pour raconter un travail, une démarche, des correspondances.Et de fil en aiguille, de digressions en citations, de souvenirs en supputations, la Nostalgie camarade ? – beau titre pour ce qui n’est plus – réalise, qui sait, « un moule de la sculpture, un coffrage polymorphe des voix qui ont buté sur elle ». Un hommage vibrant, en tout cas, extrêmement vivant. Et l’œuvre disparue soudain redevient tangible ! Du grand art.

Littérature
Temps de lecture : 2 minutes
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