Les patrons veulent congédier le CDI

Les négociations sur la sécurisation du travail butent sur un texte du Medef qui entend réformer le contrat à durée indéterminée.

Thierry Brun  • 22 novembre 2012 abonné·es

Les syndicats se préparent à un affrontement avec le patronat lors de la prochaine séance de négociations paritaires pour une « meilleure sécurisation de l’emploi », prévue le 30 novembre. La cinquième réunion, le 14 novembre, a été l’occasion d’étudier les propositions choc du Medef : une réforme du marché du travail qui met au pied du mur un gouvernement à la recherche d’un « compromis historique », souhaité par François Hollande d’ici à la fin de l’année. L’organisation patronale a présenté un projet de treize pages, un « premier jet », selon Patrick Bernasconi, négociateur pour le Medef, qui « prend en compte les deux dimensions » de la feuille de route du gouvernement, c’est-à-dire « plus de sécurisation des salariés et d’adaptation pour les entreprises ». En réalité, le texte propose une nouvelle législation sur les contrats de travail et sur les licenciements économiques, qui compléterait le pacte de compétitivité de Jean-Marc Ayrault, lequel accorde déjà un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros aux entreprises pour baisser le « coût du travail » des bas et moyens salaires.

Le Medef pousse ainsi les feux pour « supprimer les freins à l’embauche » en CDI en élargissant le champ des contrats dits « de chantier » et « export ». Il prévoit aussi de faciliter l’usage du « contrat de travail intermittent » et les contrats de mission. « Le Medef met fin à l’utilisation du CDI, avec l’idée d’un contrat de projet », analyse Mohamed Oussedik, l’un des négociateurs de la CGT. Une vieille lune du Medef, qui avait déjà défendu un nouveau type de contrat de travail dans les années 2000, dans le cadre de négociations avec les syndicats sur la « refondation sociale ». En outre, le texte patronal propose de « repenser les procédures de licenciement économique », notamment en limitant le délai desdites procédures et les recours en justice. Il prône des accords de « maintien de l’emploi » qui s’inspirent des accords de « compétitivité emploi » (baisse de salaire ou hausse du temps de travail temporaire) déjà signés dans certaines grandes entreprises. Le groupe PSA a par exemple obtenu en juillet la signature d’un tel accord dans sa filiale de l’usine Sevelnord d’Hordain (Nord), comprenant le gel des salaires pendant trois ans et un temps de travail flexibilisé à la convenance de l’employeur pour éviter des suppressions de postes programmées. De son côté, Renault a fait jouer la concurrence dans ses usines pour obtenir un accord sur la compétitivité dans ses trois usines espagnoles (Palencia, Valladolid et Séville). Et la direction de Renault « pourrait s’engager à ne pas fermer d’usines en France » si un « accord global » sur la mobilité des salariés était signé d’ici à la fin janvier 2013. Le Medef « veut imposer une régression historique ! », prévient la CGT, qui constate qu’ « après les 20 milliards d’euros obtenus par les entreprises au titre d’un “allégement du coût du travail”, le Medef fait dans la surenchère ». Le texte patronal a été jugé « incompréhensible » et « déséquilibré » par les syndicats, qui veulent décourager les contrats précaires (trois embauches sur quatre se font en CDD) en modulant les cotisations patronales. Il est « très, très loin des attentes, estime Mohamed Oussedik, car l’architecture du texte n’a plus rien à voir avec la feuille de route du gouvernement ».

En septembre, Michel Sapin, ministre du Travail, avait donné le coup d’envoi à cette négociation et appelé les partenaires sociaux à faire preuve d’ « audace » autour de quatre pistes de travail, dont la réduction de la précarité sur le marché du travail et l’amélioration des dispositifs de maintien de l’emploi face aux aléas conjoncturels. Le document d’orientation cadrant la négociation ne contenait nulle référence aux licenciements boursiers, fustigés par François Hollande durant la campagne présidentielle, et laissait la porte ouverte aux accords de compétitivité. Après le rejet des syndicats, une nouvelle mouture sera donc présentée le 30 novembre par le Medef. Elle donnera le ton de sa détermination et des combats à venir.

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