Zélium : Brut d’insolence

Journal satirique bimestriel partagé entre dessin et texte, Zélium porte un regard acidulé sur l’actualité.

Jean-Claude Renard  • 1 novembre 2012 abonné·es

Un édito pour commencer, titré « L’axe du normal », qui donne le ton sur la une d’un canard très coloré : « Faut-il avoir peur de la normalité qui s’abat sur notre beau pays comme la petite virole sur le bas de l’Opinel ? Faut-il opiner du chef même si le chef normal nous impose sa normalité de l’effort responsable et ragnagna ? Qu’un ministre trotte en chemin de fer, se métrote, voire vélote électriquement, si c’est pour signer le pacte européen serre-la-vis et ferme-ta-gueule, c’est normal, ça ? C’est normal qu’il soit illégal de pourfendre son banquier pour le faire empailler et le coller sur sa cheminée, monté en lampe ? C’est pas une atteinte au droit des peuples à s’éclairer eux-mêmes, et avec qui on veut, bordel de merde normale ? Qu’on envoie la police anti-émeute évacuer manu militari les campements de fortune de citoyens européens misérables, c’est pas normal : c’est banal. Ça l’était sous le régime du nain. Ça le reste sous présidence dite normale, conforme aux habitudes, aux très sales habitudes. Question : un ministre en pied de lampe, ça éclaire aussi bien qu’un banquier ? »

Cet édito de septembre- octobre est signé par « l’équipage du Zélium », bimestriel satirique créé en février 2011, distribué en kiosque, vendu 3 euros, rassemblant, d’un numéro à l’autre, une centaine de collaborateurs, bénévoles, journalistes, chroniqueurs, dessinateurs. Aurel, Lasserpe, Chimulus, Large et Berth, Nicolas de la Casinière (fondateur de la Lettre à Lulu, à Nantes, un Canard enchaîné local), Jérôme Thorel (opérant sur le site reflets.info, mêlant hackers et journalistes, tourné vers les bases de données numériques) ou encore Noël Godin (plus connu dans le rôle d’entarteur, accrochant notamment à son palmarès Bill Gates et BHL). Et un plein paquet d’artistes lettrés fleurant le pseudonyme : Braise de Rusty, Nikus Pokus, Sami de Sourdoreille, Gaston Téléfon… Soit une « bande de zélés matelots navigant sur un frêle esquif pirate ».

Un mot d’ordre sur 24 pages au format A3, sans publicité : la liberté d’expression et de création. De ton. Un « esprit narquois », une indépendance cinglante, fraîche et ironique, parfois cynique, « subtil mix du Figaro Magazine et du Chasseur français qui permet de dénoncer les culs serrés, les faux culs et les trous du cul, qu’ils soient banquiers ou politicards ». Qui ne s’embarrasse pas de critique. Ici sur des agents municipaux nantais effaçant une inscription de 100 mètres de long (« Où sont les gens du voyage à Nantes ? ») à l’occasion de l’exposition « Voyage à Nantes », vantée comme « un renversement de la ville par l’art », là un Johnny crucifié dans une épopée de comptoir, un journal intime de « Marion Marépen-Lechal », où « le racisme n’est plus ce qu’il était », là encore une interrogation sur les valeurs du handball (avant le scandale des paris), titré « après les experts, voici les experts-comptables », là enfin, un billet sur les pratiques des éditions Michalon en termes de droits d’auteur ou une histoire de la prohibition du cannabis… Un regard aiguisé sur l’actualité, du sens et de la distance. À Zélium s’est greffé, en juin, un cousin germain, Z Minus, « 100 % dessin, 0 % article », pareillement bimestriel, où s’additionnent encore Aurel, Lasserpe, Besse, Soulcié et Pakman. Un arc-en-ciel de caricatures, de traits satiriques et insolents. Tiré à 20 000   exemplaires, Zélium (tout comme Z Minus ), vit sur un modèle économique « sans un rond mais transparent, comptes vides mais ouverts, chiffres de ventes déclassés confidentiels ». Autant dire une économie fragile. Les derniers numéros se sont vendus autour de 4 000 exemplaires. De quoi reprendre cette suggestion en bas de la une : « Risquez le conseil de discipline budgétaire, foutez en l’air le pacte de stabilité de vos fins de mois : abonnez-vous à Zélium. La grande aventure. Plus besoin de courir tous les matins en pyjama au kiosque. Une fois abonné, revendez votre collection de pyjamas, ça rembourse largement l’abonnement. »

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