Expulsions hors la loi

Des familles sont délogées en pleine trêve hivernale. Le DAL s’indigne.

Lena Bjurström  • 13 décembre 2012 abonné·es

L’expulsion, le 4   décembre, d’une dizaine de personnes d’un immeuble de Saint-Denis intervient moins d’un mois après celle de 250 migrants d’une ancienne clinique à Pacé, dans la banlieue de Rennes. Il s’agit de la troisième expulsion collective depuis l’entrée en vigueur de la trêve hivernale le 1er novembre. Pour Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement (DAL), celle-ci n’a jamais été autant ignorée par les préfectures, d’après lesquelles la loi de 1956, qui fait foi sur la trêve hivernale, ne concernerait pas les « squatteurs ». Un argument lapidaire qui ne correspond pas à la législation en cours.

L’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution pose effectivement deux réserves à l’application de la trêve hivernale. L’une concerne « l’arrêté de péril », soit les menaces d’effondrement des bâtiments évacués. L’autre concerne les personnes entrées par « voie de fait », par effraction. Pour Jean-Baptiste Eyraud, cette disposition, dont le DAL réclame la suppression, n’a pas été appliquée dans le respect des procédures lors des récentes expulsions. « À Pacé comme à Saint-Denis, la voie de fait n’a pas été mentionnée. » Car cette exception à la trêve hivernale a été créée par une loi de 1991, dont la volonté initiale était d’encadrer juridiquement les expulsions. À l’époque, lors des débats au Sénat, Michel Sapin, alors ministre de la Justice, soulignait ainsi la nécessité de « prouver » cette voie de fait, qui ne pouvait être « présumée ». Des précautions qui aujourd’hui semblent lointaines au porte-parole du DAL. Jean-Baptiste Eyraud estime que l’expulsion de Pacé, médiatisée, a levé un tabou. « Il semble désormais normal aux préfectures d’expulser les “squatteurs” pendant la trêve hivernale, explique-t-il, et nous craignons une multiplication des cas. »

Au-delà du respect des procédures, le DAL dénonce l’incohérence de ces expulsions avec la politique de la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, qui annonçait, le 9   décembre sur Canal +, la réquisition de logements vides pour l’hébergement d’urgence des sans-abri. « Ces expulsions sont injustes et absurdes, proteste Jean-Baptiste Eyraud, elles interviennent en plein hiver, et sans pression sur les autorités, les personnes ne sont pas relogées. Quand elles le sont, c’est momentané, et cela a un coût. Et quand elles sont redirigées vers des solutions d’hébergement plus pérennes, elles vont prendre des places dont d’autres ont grandement besoin. »

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »
Témoignage 18 décembre 2025 abonné·es

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »

À l’occasion de la Journée internationale des migrants ce 18 décembre, des collectifs appellent à une grève antiraciste, la « Journée sans nous ». Politis a rencontré Ousmane, sans-papiers guinéen. Il raconte la mécanique d’un système « qui profite des sans-papiers » et les pousse à bout.
Par Pauline Migevant
« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin
Sélection 17 décembre 2025

« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin

Une sélection de la rédaction de Politis, pour compléter la lecture du numéro spécial « Vouloir n’est pas pouvoir. Le mérite extiste-t-il ? », à retrouver sur la boutique en ligne ou sur le site du journal.
Par Politis
Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »
Entretien 17 décembre 2025 abonné·es

Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »

Dans un entretien croisé, l’autrice et sociologue et le président de l’association Une voie pour tous remettent en question la notion de mérite dans un système scolaire traversé par de profondes inégalités.
Par Kamélia Ouaïssa et Hugo Boursier
Féris Barkat : former et transformer
Portrait 17 décembre 2025 abonné·es

Féris Barkat : former et transformer

Entre plateaux de télévision, activisme et son nouveau poste d’enseignant, Féris Barkat transforme la visibilité en responsabilité. À seulement 23 ans, le jeune Strasbourgeois, fraîchement arrivé à Paris, veut créer du changement, collectivement.
Par Kamélia Ouaïssa