Fin du monde, fin du journalisme ou triomphe des écolosceptiques ?
L’écoute des radios, la lecture des journaux et même un regard nécessairement distrait sur la télévision, renvoient le 21 décembre à la fin du monde. D’ordinaire, quand une partie d’entre eux sont en vacances, l’été par exemple, les journalistes découvrent des tigres, des léopards ou des lions dans les campagnes ou les jardins. Ouvrant leurs colonnes aux fadas qui leur racontent avec force détails avoir rencontré des fauves vagabonds. Cela alimente les pages des journaux régionaux débouche parfois dans ce qu’il est convenu de nommer la « presse nationale ». Puis les « bêtes » disparaissent dans la nature…
Cette fois, mes confrères (comme moi, il faut le reconnaître), se commentent eux-mêmes. Et surtout, ils racontent ce qu’ils ont inventé depuis quelques années : la fin du monde annoncée par le calendrier Maya que bien peu d’entre eux, sinon aucun, ont les connaissances nécessaires pour déchiffrer. Donc, ils auront été deux ou trois cent à arpenter les rues et des montagnes de Bougarach (196 habitants de l’Aude) pour expliquer et raconter ce qu’ils savaient auparavant : il ne se passe rigoureusement rien dans cette commune en dehors de l’agitation journalistique. Ce que les médias ont mis trois jours à nous raconter après avoir interviewé quelques fadas attirés par l’agitation. Aucune soucoupe, volante ou non, sauf celles de télés qui se sont mobilisés et ont dépensé de l’argent pour raconter qu’en ce jour, la vie apparaît normale dans le bourg et ses alentours. La presse a donc poussé jusqu’à la caricature, sa vocation grandissante à ne rien dire sur un événement qu’elle a créé. Non pas par souci de « cacher » d’autres informations, comme vont le raconter les professionnels du « complot médiatique » toujours à l’affût d’une explication idéologique ou politique qui vise à démasquer les chefs d’orchestre régentant la presse française (ou autre) mais par la vertu d’une simple dégénérescence éditoriale.
Il se trouve simplement que la plupart des médias, au bout de leur logique suicidaire née de la télé-réalité, viennent de toucher le fond de la non-information en commentant un non évènement. Le plus extraordinaire est que les pouvoirs publics, soucieux de « rassurer » (qui ? et sur quoi ?) ont cru bon de dépêcher sur place deux ou trois centaines de martiens déguisés en gendarmes et en CRS. De quoi enterrer définitivement le crédit dont bénéficie encore un peu la presse.
Mais il y a bien plus grave. Les médias ont cru bon de convoquer au chevet d’une presse dont la crédibilité est moribonde tous les nouveaux prophètes du négationnisme écologique à la recherche d’un succès éditorial. Tout les Bruckner et autres prophètes-escrocs de bonheur, qui profitent de l’occasion pour asséner une nouvelle couche d’écolosceptiscisme. Avec un raisonnement pervers : puisque la fin du monde annoncée n’a pas eu lieu, la preuve serait désormais administrée qu’il faut cesser de croire aux menaces environnementales, oublier le réchauffement climatique, balayer les craintes envers les pollutions, négliger la perte (inventée bien sur) de la biodiversité, hausser les épaules face à la déforestation, refuser le Principe de Précaution, cesser de se méfier des nourritures industrielles, reprendre confiance dans le nucléaire ou oublier les énergies renouvelables.
Ce sont eux qui me font peur, pour aujourd’hui et pour demain.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un DonPour aller plus loin…

Pour Politis, l’AG du nouveau mandat et d’un nouveau projet

16 juin : débat Politis et Acrimed, « Médias et société, le grand décalage »

Politis en manif le 1er mai à Bordeaux
