Le grand combat des grands formats

Grands Formats, fédération de formations de jazz, défend la création artistique dans un contexte difficile.

Lorraine Soliman  • 6 décembre 2012 abonné·es

« Il faut un irrésistible désir de musique et une bonne dose d’inconscience pour s’embarquer dans cette aventure dont on connaît trop les écueils : moyens dérisoires, difficultés chroniques d’organisation des concerts, lieux de répétition improbables, financements aléatoires, bénévolat quasi permanent, indifférence des institutions, ainsi va la litanie des obstacles qui sont le lot commun du jazz en grande formation », résument les notes de livret du double album Grands Formats, sorti en 2006 (Harmonia Mundi).

Grands Formats, c’est aussi le nom de cette fédération de grandes formations «   de jazz et de musiques à improviser ». En 2013, cela fera dix ans qu’elle mène de front les combats de la profession. Les deux «  piliers fondateurs  » de cette belle aventure, dixit l’actuel président de l’association, Fred Maurin, sont Jean-Rémy Guédon et Patrice Caratini. Respectivement saxophoniste et contrebassiste, mais aussi et surtout directeurs de l’éclectique orchestre Archimusic pour l’un et du profondément jazziste Caratini Jazz Ensemble pour l’autre, les deux copains décident qu’il est temps de se serrer les coudes pour améliorer les conditions de travail, voire de survie, des grandes formations. Très vite, le duo parvient à rallier une dizaine d’orchestres à la cause, monte une association et gagne en visibilité.

«   Grands Formats occupe une place très importante dans le paysage, d’autant plus qu’on est la seule fédération vraiment portée par des artistes, et non pas par des administrateurs », explique Fred Maurin. C’est en effet l’un des principes essentiels de Grands Formats, «   le côté simple » de ses fonctionnements, dans un esprit collectif et de camaraderie : «   On se met autour de la table, on discute et on essaie de trouver des solutions concrètes. » « On », c’est-à-dire les huit membres du CA en particulier, mais aussi la totalité des quelque cinq cents musiciens impliqués s’ils le souhaitent, notamment lors des AG annuelles. Sans oublier la déléguée générale, Aurélie Fouche, qui joue un rôle clé en assurant une forme de continuité à l’association et en facilitant le dialogue avec les institutions.

Aujourd’hui, Grands Formats regroupe trente-deux orchestres professionnels répondant à des esthétiques souvent très différentes, du jazz le plus contemporain (Ping Machine, Surnatural Orchestra, Print & Friends…), le plus métissé (le SonArt, l’Acoustic Lousadzak, Archimusic, Danzas…), le plus poétique (l’Orphicube, La Pieuvre, le MégaOctet…), le plus truculent (Le Sacre du Tympan, Tous Dehors, LeBocal…), le plus vocal (Les Voice Messengers), au jazz le plus « jazz » (Sylvia Versini Orchestra, Laurent Mignard Duke Orchestra…), en passant par un florilège de musiciens parmi les plus éminents de la jazzosphère francophone : Andy Emler, Sylvain Cathala, Pierre Bertrand, Bruno Regnier, François Jeanneau pour n’en citer que quelques-uns.

L’absence de barrières esthétiques fait partie des fondamentaux de Grands Formats. «   Ça déroute pas mal de gens, cette ouverture. Mais c’est une bonne chose parce que ça montre que les combats que nous menons n’ont rien à voir avec des questions d’esthétique ! », s’enflamme Fred Maurin. Une position qui souligne en outre la nécessité de dépasser les guerres de chapelles qui ont marqué l’histoire du jazz en France. Le 1er décembre, Grands Formats se réunissait au Centre culturel des bords de Marne, au Perreux, avec environ cent vingt invités, autour de l’expérience de Jean-Marie Machado et de son orchestre, qui ont réussi à bénéficier du dispositif de « résidence de compositeur associé », jadis réservé à la musique contemporaine. «   On a beaucoup d’autres chantiers en cours, mais celui-ci est important. Il correspond au décloisonnement des genres et répond au fait qu’il y a aujourd’hui très peu de musique programmée dans les scènes conventionnées   », explique Fred Maurin. Espérons que l’expérience de Machado fera des émules.

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