Chauffage : Au feu, les grille-pain

Trop énergivores, les convecteurs électriques sont désormais bannis en construction par la nouvelle réglementation thermique.

Patrick Piro  • 24 janvier 2013 abonné·es

Depuis le 1er janvier, les promoteurs doivent se résoudre à renoncer au chauffage électrique dans les bâtiments d’habitation. Trop énergivores, ils sont recalés par la nouvelle norme en vigueur, la réglementation thermique RT 2012. Les écologistes peuvent se réjouir : absurdité énergétique, le convecteur est depuis des décennies la caution des surcapacités nucléaires françaises.

Pour justifier le déploiement de son parc (58 réacteurs), EDF a très tôt promu la généralisation du chauffage électrique afin d’absorber le surplus de mégawattheures produits. Depuis une dizaine d’années, l’électricien a même intensifié son offensive, à coup de subventions. Aujourd’hui, 33 % de l’habitat français est équipé de convecteurs ou de systèmes apparentés. Des « grille-pain », comme leurs détracteurs les désignent : ils fonctionnent par l’échauffement d’une simple résistance à filaments traversée par un courant électrique. Le bilan énergétique est déplorable. Pour délivrer 1 kilowattheure (kWh) électrique chez un client, la filière nucléaire (75 % de la production française) consomme environ 3 kWh d’énergie primaire. Or, la RT 2012, en application des résolutions du Grenelle de l’environnement, durcit fortement les exigences de sobriété dans la construction neuve.

La consommation annuelle d’un bâtiment d’habitation neuf ne doit plus excéder 50 kWh d’énergie primaire par mètre carré (kWh/m2) par an, pour le chauffage, l’eau chaude, l’éclairage, la climatisation et la ventilation – soit une division par trois environ par rapport à la norme précédente. Un constructeur qui opterait pour un chauffage électrique devrait donc, pour compenser la médiocrité de son rendement, tripler la performance énergétique de son bâtiment. Isolation, qualité de la conception, efficacité des équipements, etc. : les coûts supplémentaires deviennent prohibitifs au regard de l’économie représentée par le choix de convecteurs, peu onéreux à l’investissement [^2]. Les promoteurs ont bien compris le message, et la date du 1er janvier a même été largement anticipée.

Au printemps 2012, le sondage annuel de l’institut Batietude, spécialisé dans la construction, révélait un écroulement impressionnant du chauffage électrique : alors qu’il raflait 73 % du marché des logements neufs en 2008, sa part est tombée à 43 % en 2011. Et même à 20 % dans l’habitat collectif, en vertu de très motivantes réductions d’impôts offertes par le dispositif Scellier pour les bâtiments atteignant le seuil « basse consommation » (label volontaire BBC), semblable en exigence à celui de la RT 2012 désormais obligatoire pour tous. « Et le recul de l’électrique s’amplifie », confirme-t-on à Batietude. Néanmoins, la victoire des anti-grille-pain reste symbolique : la construction neuve renouvelle chaque année moins de 1 % du parc existant. Bien que radical, le coup d’arrêt infligé au chauffage électrique restera longtemps imperceptible sur les courbes de consommation nationale.

Jeudi 16 janvier, alors que le froid s’installait sur la France, il a fallu mobiliser 92 100 mégawatts de puissance pour couvrir la pointe journalière de la demande. Soit l’égal du record – historique – de l’année 2009. En 2012, le pic de consommation culminait à 102 100 mégawatts, un bond de 11 % en quatre ans seulement.

[^2]: Mais bien plus à l’usage en comparaison du bois ou du gaz.

Écologie
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