Élisabeth Ronzier : « Ces discours ont un impact néfaste »

Élisabeth Ronzier décrypte les slogans des manifestants opposés au mariage pour tous.

Olivier Doubre  • 10 janvier 2013 abonné·es

On se souvient du tristement célèbre « les pédés au bûcher », scandé lors de la manifestation du 31 janvier 1999 contre le Pacs à l’appel de Christine Boutin. Si les slogans ont changé, ils révèlent néanmoins une homophobie violente. À la veille de la manifestation du 13 janvier, Élisabeth Rozier analyse la portée de ceux entendus récemment. **

Comment se caractérise cette nouvelle homophobie que l’on a vu s’exprimer lors des manifestations des samedi 17 et dimanche 18 novembre contre le mariage pour tous ?

Élisabeth Ronzier : La manifestation du 18 novembre, à l’appel de l’Institut Civitas, plus radicale et clairement homophobe, est symptomatique du climat actuel. Elle a mis en lumière une homophobie très violente. Celle de la veille représente quant à elle une autre forme d’opposition au mariage pour tous, laquelle se revendique « non homophobe ». Si nous voulons bien croire que ces opposants sont de bonne foi, leur opposition traduit cependant pour nous une forme d’homophobie. Refuser le mariage pour tous et les principes portés par ce projet de loi, c’est refuser l’égalité des droits pour les personnes homosexuelles. C’est aussi les maintenir à l’écart de la famille telle qu’elle est organisée par le droit français. L’homophobie ne se limite pas à casser la figure aux homosexuels, c’est aussi exclure, rejeter et inférioriser !

Quels slogans choquants avez-vous relevés en novembre dernier ?

Évidemment, lors de la manifestation du 18 novembre, les slogans très choquants étaient légion. Je ne citerai que celui-ci : « La France a besoin d’enfants et non d’homosexuels » … Dans celle du 17, certains traduisaient une certaine ignorance, une méconnaissance, mais sans doute aussi de la mauvaise foi à l’égard des couples de même sexe et des familles homoparentales. Par exemple : « On ne ment pas aux enfants. » S’il y a des enfants à qui on ne peut pas mentir sur leurs origines, ce sont bien ceux-là ! Comme ces manifestants ne cessent de le rappeler, on sait évidemment qu’un enfant provient toujours d’un gamète féminin et d’un gamète masculin. Aussi, un enfant élevé par deux mamans ou deux papas se verra obligatoirement expliquer qu’il n’est pas le fruit de ses deux parents, et ceux-ci devront lui faire le récit de son origine. Quant aux autres déclarations, je rappellerai simplement celles faisant crûment l’amalgame entre le mariage pour les couples de même sexe et la zoophilie, l’inceste ou la polygamie, notamment de la part de Mgr Barbarin, archevêque de Lyon.

À partir de vos observations, grâce à la ligne d’écoute de votre association [^2], voyez-vous augmenter le nombre de cas d’insultes ou de violences homophobes à la suite de ce type de propos ?

Oui : le nombre de témoignages a fortement augmenté au cours des derniers mois. Début octobre 2012, nous avions déjà atteint le nombre de témoignages de l’ensemble de l’année 2011. Et nous constatons aussi que ce climat a des conséquences directes sur la vie des gens, avec une homophobie au quotidien qui se manifeste avec plus de vigueur. Beaucoup de personnes homosexuelles, en particulier en couple, appellent pour dire qu’elles n’avaient jamais eu de problèmes avec leur voisinage et que, depuis quelques mois, elles vivent avec un sentiment de mal-être et d’exclusion. Ce qui nous fait dire qu’une manifestation comme celle du 17 novembre, qui se dit « non homophobe », a bien des conséquences néfastes sur la vie des personnes homosexuelles.

[^2]: SOS Homophobie publie chaque année son Rapport sur l’homophobie en France, à partir des témoignages sur sa ligne d’écoute : 01 48 06 42 41, du lundi au vendredi, de 18 h à 22 h. www.sos-homophobie.org

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