Rony Brauman : « On fait l’impasse sur les questions politiques »

Rony Brauman revient sur les enjeux de l’opération française au Mali.

Denis Sieffert  et  Lena Bjurström  • 17 janvier 2013 abonné·es

Ancien président de Médecins sans frontières France, auteur de nombreux ouvrages sur les dérives de l’humanitaire, Rony Brauman est un intellectuel engagé, bon connaisseur de l’Afrique.

Comment analysez-vous l’intervention française au Mali ?

Rony Brauman : S’interroger sur l’intervention française au Mali, c’est tenter de se déterminer par rapport à ses objectifs. Or, ils ne sont pas clairs. Il s’agissait dans un premier temps d’interrompre la marche, apparemment irrésistible, des djihadistes vers Bamako. Il semble que cet objectif ait été atteint. Il est vrai qu’arrêter une marche vers une capitale n’est pas d’une grande difficulté militaire. En revanche, la suite de l’intervention reste floue. Bloquer l’avancée d’une force armée et démanteler ses bases terroristes, qui semble être le deuxième objectif, sont deux opérations très différentes. L’Otan en Afghanistan, les multiples tentatives des Israéliens de saper les bases du Hamas ou du Hezbollah, et même l’intervention française au Rwanda en 1990, qui avait elle aussi bloqué une avancée de forces armées, en l’occurrence le Front patriotique rwandais, sans pour autant empêcher la suite des événements : nous avons de multiples exemples de l’inefficacité de ce type d’intervention militaire face à des bases de mouvements bien implantées. Et je ne peux que constater l’enthousiasme général pour cette politique du bâton, tandis que l’on fait l’impasse sur les questions politiques.

Qu’entendez-vous par « questions politiques » ?

Qu’est-ce qui a fait que ce pays, le Mali, que l’on disait démocratique, a connu un tel enrôlement de jeunes dans le combat armé, le jihad ? On trouve des explications dans l’appauvrissement de la population, la corruption, l’autoritarisme et la prise de pouvoir de militaires qui, après un coup d’État, ont une très faible légitimité dans le pays. Sur quelles bases va-t-on appuyer un redressement économique et politique ? Certainement pas sur des bases militaires. La question touareg, celles de la gouvernance en général et de l’effondrement de l’État sont des problèmes éminemment politiques que les Mirage et les Rafale sont impuissants à traiter. L’illusion du traitement par les armes de la question que l’on appelle, à tort ou à raison, « terroriste » dans son ensemble reste très vivace. C’est cela qu’il faut combattre. Cela ne veut pas dire que les armes ne servent à rien, mais on leur prête ici de nouveau des vertus qu’elles n’ont démontrées nulle part ailleurs. Si l’objectif principal – arrêter la marche vers Bamako – a été atteint, la logique serait de s’arrêter là et de commencer à favoriser des pourparlers.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)
Analyse 6 juin 2025

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)

Les gauches sont bien à la peine à l’échelle mondiale. Trop radicales, elles perdent. Les moins radicales sont diabolisées. Toutes sont emportées dans un même mouvement. Pourtant, dans un monde où les vents de l’extrême droite soufflent fort, la social-démocratie n’a pas encore perdu la partie.
Par Loïc Le Clerc
Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza
Récit 4 juin 2025 abonné·es

Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza

Plus de 50 000 personnes au sein du territoire enclavé ont été tuées ou blessées par l’armée israélienne depuis le 7-Octobre. Mais le sort des survivants doit aussi alerter. Privée d’éducation, piégée dans un siège total au cœur d’une terre dévastée, toute la jeunesse grandit sans protection, sans espoir.
Par Céline Martelet
À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »
Entretien 4 juin 2025 abonné·es

À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »

Khaled Benboutrif est médecin, il est parti volontairement à Gaza avec l’ONG PalMed. La dernière fois qu’il a voulu s’y rendre, en avril 2025, Israël lui a interdit d’entrer.
Par Pauline Migevant
En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza
Témoignages 4 juin 2025 abonné·es

En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza

Depuis le début de la guerre dans l’enclave palestinienne, les autorités françaises ont accueilli près de cinq cents Gazaouis. Une centaine d’autres ont réussi à obtenir des visas depuis l’Égypte. Parmi ces réfugiés, une majorité d’enfants grandit dans la région d’Angers, loin des bombardements aveugles de l’armée israélienne.
Par Céline Martelet