Ça peut bien sûr point être le même

Sébastien Fontenelle  • 28 février 2013 abonné·es

  1. Il y a un an – presque jour
    pour jour –, le 28 février 2012, un
    certain Laurent Joffrin dénonçait
    dans le quotidien Libération « ceux
    qui demandent», comme des gros
    salauds dégueulasses, «l’abolition »
    du « respect de la vie privée » par
    les journalistes (1).

De qui s’agissait-ce ? Qui étaient
au juste ces odieux abolitionnistes ?
Ce n’était pas dit. Mais ce Laurent
Joffrin profitait de l’occasion
pour marteler un concis mais
vif cours d’éthique : « Le droit à
l’intimité familiale, à la discrétion
sur sa vie sexuelle ou affective,
au secret sur tel ou tel aspect
de son comportement privé, fait
partie des droits élémentaires de
la personne », assurait-il – et je me
rappelle avoir trouvé ça tellement
beau que ça m’avait donné envie
de pleurer…

…Et que ça m’avait même
d’autant plus ému que le gars
ajoutait ensuite qu’ici, chez nous,
Dieu merci, « chacun » avait
« le droit de mener la vie qu’il mène
sans être sans cesse exposé au
jugement public», et que c’était
très bien comme ça, et que nous
avions intérêt à prier pour que
rien ne vienne modifier ce bel
équilibre, parce que sinon nous
verrions « se développer en France
l’équivalent de la presse Murdoch »
en Nangleterre – soit une presse
de merde « qui fait argent du viol
systématique de la vie privée et
couvre ses pratiques honteuses
des oripeaux mités de la liberté ».

  1. Après ça, douze mois sont
    passés et, il y a une semaine,
    le Nouvel Observateur a consacré
    sa couverture et plusieurs pages
    d’un glauquissime dossier au
    bouquin d’une certaine Marcela
    Iacub, qui raconte dans le détail
    sa liaison de plusieurs mois, en
    2012, avec Dominique Strauss-
    Kahn (2) – et ce « viol systématique
    de la vie privée » et du droit « à la
    discrétion » de chacun(e) « sur
    sa vie sexuelle » était, je dois dire,
    d’une dégueulasserie assez totale.

  2. Mais, lorsque le Monde
    a ensuite demandé au directeur
    du Nouvel Observateur pourquoi
    il avait fait ça, le mec a répondu
    – je cite : « Ça me fait rire, les leçons
    de morale. D’un côté, on se plaint
    que la presse va mal, de l’autre
    côté, on crie au scandale quand
    un hebdomadaire veut augmenter
    ses ventes (3). »

  3. Et ce qui m’intrigue, c’est que
    ce patron de presse qui reconnaît
    donc qu’il voulu faire du pognon
    en publiant un viol de vie privée
    s’appelle (tu vas voir comme c’est
    étonnant) Laurent Joffrin : il porte
    donc exactement le même nom que
    celui qui, un an plus tôt, manquait
    de mots assez durs pour fustiger
    la presse angliche pourrie qui fait
    argent du viol de la vie privée.

  4. Mais à mon avis ça peut
    pas du tout être le même Laurent
    Joffrin, parce que bon, si le gars
    prenait si fort les gens pour des c…
    pour des sot(te)s, ça se saurait,
    non ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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