Réforme bancaire : Le malaise de Bercy

Un texte contre le projet de loi sur les banques ébranle le Parlement et le ministère.

Thierry Brun  • 14 février 2013 abonné·es

Le projet de loi de « séparation et de régulation des activités bancaires » élaboré par le gouvernement, dont l’examen à l’Assemblée nationale a débuté le 12 février, est formel : il met en œuvre « l’engagement du président de la République de séparer les activités utiles au financement de l’économie des activités spéculatives ». Il tire « les enseignements de la crise en renforçant la régulation des acteurs bancaires et les pouvoirs des autorités de supervision en matière bancaire et financière ».

Cette profession de foi ne laisse aucun doute sur le contenu des mesures présentées aux députés. La commission des finances de l’Assemblée nationale, en présence de Pierre Moscovici, ministre de l’Économie, a cependant examiné pas moins de 300 amendements déposés en majorité par des députés de gauche. Certains ont été rédigés avec Gaël Giraud, chercheur au CNRS, membre de l’École d’économie de Paris et du conseil scientifique du Laboratoire sur la régulation financière. L’économiste est l’auteur d’une note de synthèse sur le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 19 décembre par Pierre Moscovici, qui a été adressée aux députés du PS, d’EELV et du Front de gauche. Un brûlot qui a depuis été rendu public et a suscité des remous à Bercy. Car, pour Gaël Giraud, le projet de loi « cumule toutes les faiblesses des projets antérieurs  [comme le fameux Glass-Steagall Act, loi américaine de séparation radicale des activités bancaires adoptée après la crise de   1929, NDLR] sans hériter d’aucune de leurs qualités ». La note se termine par un examen critique des objections à une scission effective des activités bancaires, formulées par le secteur bancaire, et conclut qu’aucune de ces objections ne légitime un refus de scinder les activités bancaires. À la suite de cette initiative, Gaël Giraud est auditionné en privé par la députée socialiste Karine Berger, rapporteur du projet de loi : « Cela s’est très mal passé. Elle prend des positions surréalistes et elle a la même attitude en audition publique », s’étonne l’économiste. Mais les arguments sèment le trouble jusqu’à Bercy, dont le service du Trésor est accusé par l’économiste d’avoir « rédigé le projet de loi sous la dictée des banques », un texte qu’il juge « mensonger ». « Ce qu’il prétend faire, il ne le fait pas, ajoute-t-il. C’est grave. Je ne comprends pas l’inertie sur cette question alors que la France est l’un des pays les plus exposés au risque bancaire. »

Pour balayer les doutes de certains parlementaires socialistes, Bercy a fait circuler discrètement une « contre-note », que Politis s’est procurée, en réponse à l’exposé de Gaël Giraud [^2]. On peut y lire notamment que la « séparation stricte des activités de marché […] fait courir des risques importants aux entreprises françaises », et que les objectifs « assignés par l’auteur résultent en grande partie d’erreurs de diagnostic ». Des arguments que certains députés socialistes ont repris sans états d’âme.

[^2]: La note de Gaël Giraud ainsi que la « contrenote » et la réponse à celle-ci sont sur politis.fr.

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