Rui Wang : « Comme les Bretons montés à Paris… »

La deuxième génération mixe une culture héritée de ses parents et un puissant désir d’intégration à la société française.

Lena Bjurström  • 7 février 2013 abonné·es

Rui Wang est le porte-parole de l’Association des jeunes Chinois de France, qui veut à la fois changer la perception extérieure sur la communauté et contribuer à l’insertion des jeunes à cette société française qui est la leur.

Pourquoi et comment avez-vous fondé l’Association des jeunes Chinois de France (AJCF) ?

Rui Wang : L’AJCF a été fondée en juin 2009. Mais nous avions déjà constitué un groupe informel sur les réseaux sociaux, où les participants parlaient de leur vécu d’enfants de Chinois ayant grandi en France. Nous parlions des écarts générationnels et culturels avec nos parents, de notre rapport à la société française, notamment de notre sentiment d’être les victimes collatérales d’une peur de la Chine et de son influence grandissante sur la scène internationale. De fil en aiguille, les cinq membres les plus actifs ont décidé de se constituer en association afin de porter notre parole dans la société. Il s’agissait, d’une part, de changer la perception extérieure de notre communauté et, d’autre part, d’apporter un soutien à nos cadets dans leur insertion dans la société française. De par notre expérience, nous avions fait le constat qu’une bonne intégration passe par la réussite professionnelle. Cette réussite, en France, nécessite très souvent un diplôme. Or, quand on n’a pas les codes de la culture française, cette réussite n’est pas accessible. Nous avons développé du soutien scolaire pour les plus jeunes, afin de les aider à s’épanouir dans l’environnement qui est désormais le leur. Un troisième point s’est développé progressivement, celui de nous informer et d’informer les autres sur nos origines. En rencontrant des chercheurs, en organisant des conférences, nous avons voulu transmettre un savoir sur nos racines.

Votre association s’adresse-t-elle à toutes les communautés d’immigrés et d’enfants d’immigrés chinois en France, quelle que soit leur origine, et porte-t-elle leur parole ?

C’était et c’est toujours le but que nous recherchons. Cependant, force est de constater que le noyau dur initial est constitué de Wenzhou [migrants du sud de la Chine, NDLR], que notre vécu n’est pas le même que celui d’autres communautés, et donc que l’image portée ne correspond pas toujours au vécu de la deuxième génération d’autres communautés. Entre les migrants dits « chinois » en France, il y a de grandes diversités de parcours et d’origine géographique et sociale. Ainsi, les années de clandestinité des Wenzhou leur donnent une perception de leur place dans la société française bien différente de celle des Chaozhou, qui ont rapidement acquis le statut de réfugiés politiques, leur permettant une insertion plus rapide. D’ailleurs, si nous avons réussi à recruter des Chaozhou [migrants arrivés d’Indochine dans les années 1970-1980, NDLR], ils ne font pas partie du noyau dur.

De par le nom de votre association, « jeunes Chinois de France », vous vous définissez à la fois comme chinois et français. Comment liez-vous ces deux identités ?

Nous prenons souvent l’exemple du père et de la mère. Nous demanderiez-vous de choisir entre les deux ? Nous avons une certaine culture chinoise, transmise par nos parents, mais nous avons grandi ici, dans cette société. Personnellement, je me sens un peu comme le Breton monté au XIXe siècle à Paris. Il est à la fois breton, avec une culture spécifique, français et parisien. Et tout comme il y a eu Montpartnasse, quartier breton de la capitale, il y a aujourd’hui le XIIIe arrondissement, ou Belleville, quartiers dits « chinois » car nombre de nos parents y sont regroupés. Nous avons besoin de savoir d’où nous venons, quelles sont nos racines, mais cela ne nous empêche pas d’être français.

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