Entrons enfin dans l’ère du biolithique !

Pour éviter le chaos, les pays riches doivent organiser une pensée positive de la sobriété.

Patrick Piro  • 14 mars 2013 abonné·es

Journaliste au Monde, Hervé Kempf s’est attaché un public bien au-delà de l’Hexagone depuis Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007) et les opus suivants. Avec Fin de l’Occident, naissance du monde, il poursuit son travail de sape d’une pensée capitaliste qui s’échine à ignorer ou à contourner le mur écologique. Quelle issue dans cette collision ? Une nouvelle humanité, souhaite-t-il, puisant satisfaction non plus dans l’accumulation écervelée de biens, au prix de sa destruction, mais dans un nouveau projet planétaire : clore le néolithique, ère de la domination de la nature, pour entrer dans le « biolithique », celle de l’harmonie avec les forces de la vie. Il y a vingt-cinq ans, Hervé Kempf utilisait ce terme pour décrire la révolution métabolique qui guettait un homo sapiens artificialisé par les biotechnologies. Il le promeut aujourd’hui au rang d’objectif de civilisation.

Cet essai d’écologie politique s’appuie sur la constatation que l’Occident est pris en tenaille : la croissance, moteur de son capitalisme, est en panne, et il assiste au rattrapage rapide de son niveau de vie par les régions émergentes (pour les classes aisées, à tout le moins). Et l’épuisement des ressources interdit tout retour à son hégémonie économique, brève période historique en cours de conclusion, tableau que l’auteur brosse avec pédagogie. Or, sous la pression de cette grande convergence planétaire en cours, les pays riches se contentent de ruses dilatoires face à la réalité physique de la crise écologique. Qu’il s’agisse de tentatives de réformes (marchandisation de la nature, austérité budgétaire, etc.) ou de la fuite en avant (extraction d’énergies fossiles non conventionnelles, accaparement des terres…), la violence monte. Pour éviter le chaos, il faut organiser une pensée positive de la sobriété, avance Hervé Kempf, qui dégage trois axes stratégiques : la reprise du contrôle de la finance, la réduction des inégalités, l’écologisation de l’économie. C’est une mutation « post-capitaliste », définit l’auteur, qui n’en fait pas une fixette idéologique mais une nécessité historique. L’humanité, pour survivre dans la dignité, devra abolir le chômage, reconstruire une agriculture paysanne, inventer une industrie de la sobriété, promouvoir les biens communs et la révolution culturelle qui va avec, remettre l’activité scientifique au service de l’intérêt général.

L’auteur va plus loin. « L’individualisme hystérique » et « la course à l’illimitation matérielle » devenus obsolètes, pourrait s’épanouir à l’ère du biolithique une démocratie rénovée et généralisée, apaisée et plus empreinte de spiritualité. Un nouvel « universel », non plus dérivé de la pensée occidentale, mais émergeant du principe humaniste d’équité sociale et écologique.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Les pédés sont des sorcières comme les autres
Essai 14 novembre 2025 abonné·es

Les pédés sont des sorcières comme les autres

Dans un essai visionnaire initialement publié en 1978, l’auteur et militant gay Arthur Evans dresse des ponts entre la culture des sorcières et le destin des communautés LGBT à travers les âges. Une histoire rythmée par les dominations sexistes, homophobes, racistes et écocidaires.
Par Salomé Dionisi
13-Novembre : « On a focalisé le procès sur la question de la religion »
Entretien 13 novembre 2025 abonné·es

13-Novembre : « On a focalisé le procès sur la question de la religion »

Les audiences avaient duré dix mois et réuni une centaine de parties civiles. En septembre 2021, vingt accusés comparaissaient devant la cour d’assises spéciale de Paris dans le procès des attentats du 13 novembre 2015. Maître de conférences en science politique, Antoine Mégie a mené, avec trois coautrices, une enquête au long cours sur le procès.
Par Olivier Doubre
Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »
Entretien 5 novembre 2025 abonné·es

Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »

Des millions de personnes dans les rues, un pays bloqué pendant plusieurs semaines, par des grèves massives et reconductibles : 1995 a été historique par plusieurs aspects. Trente ans après, la politiste et spécialiste du syndicalisme retrace ce qui a permis cette mobilisation et ses conséquences.
Par Pierre Jequier-Zalc
1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique
Analyse 5 novembre 2025 abonné·es

1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique

Le mouvement de 1995 annonce un retour de l’engagement contre la violence néolibérale, renouant avec le mouvement populaire et élaborant de nouvelles problématiques, de l’écologie à la précarité, du travail aux nouvelles formes de solidarité.
Par Olivier Doubre