Le congé parental, un piège ou un droit ?

Une réforme est en discussion pour sécuriser le parcours professionnel des femmes qui suspendent leur activité après une naissance.

Ingrid Merckx  • 7 mars 2013 abonné·es

En théorie, en France, le congé parental d’éducation peut être pris par la mère ou par le père entre un mois et trois ans après une naissance. Logiquement, c’est le salaire le plus bas qui est concerné, soit, sans surprise, la mère dans 96,5 % des cas. En effet, le congé parental n’est pas rémunéré : il permet de percevoir un complément de libre choix d’activité (CLCA) de 380 euros environ à temps plein.En cumulant congé maternité et congé parental, la mère, donc, s’absente de son travail de cinq mois jusqu’à plusieurs années si elle a plusieurs enfants. Ce qui la met doublement en situation de risque professionnel.

En discussion avec les partenaires sociaux, qui doivent rendre leurs propositions pour le 8 mars, Journée des femmes, la réforme du congé parental n’est pas un détail de la politique familiale. En période de chômage et de manque de places en crèche (de 4 % à 39 % de potentiel d’accueil selon les départements), elle concerne l’emploi des femmes et la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Mais aussi le rôle des pères : ceux qui s’impliquent dès le plus jeune âge s’engagent davantage ensuite. D’après les statistiques 2011 de la Caisse nationale d’allocations familiales, deux tiers des familles avec un enfant de moins de 3 ans sont des couples avec deux actifs. Le projet évoqué par la ministre du Droit des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, suit plusieurs pistes : inciter les pères à partager le congé parental avec les mères, notamment en augmentant le CLCA, parmi les plus bas de l’OCDE, et réduire la durée du congé. En effet, les conséquences sur le retour au travail ne sont pas les mêmes selon que le congé est de quelques mois ou de plusieurs années. Les mères seules et les salariées précaires ou à temps partiel sont les premières à sortir du marché, puisque la difficulté à trouver un mode de garde et son coût – qui entre en concurrence avec le salaire – les incitent à prendre un congé long.

« Je reste opposée au congé parental comme moyen de renvoyer les femmes à la maison, insiste Hélène Yvonne Meynaud, conseillère prud’homale dans les Hauts-de-Seine. Plutôt leur donner des salaires décents et créer des places en crèche et en maternelle. » Mais les femmes cadres moyens ne sont pas épargnées, observe-t-elle. Pas moins de 25 % des personnes trouveraient à leur retour un poste moins intéressant. Peur d’être licenciées, placardisées, remplacées, de manquer une opportunité, ou simplement d’être mal vues au travail et en société, nombre de femmes craignent de prendre un congé parental. Combien renoncent ? Statisticienne dans une banque, Julie s’est absentée un an. Elle était le bras droit de son directeur. À son retour, son remplaçant… l’avait remplacée. « La situation évolue pendant leur absence », objecte un employeur. « Le poste et le salaire doivent évoluer aussi ! », soutient Rachel Spire, avocate au barreau de Paris. Elle défend une femme qui, après plusieurs naissances, s’est absentée sept ans de son travail. Quand elle a repris, on lui a présenté son salaire initial. Sa remplaçante gagnait 1 000 euros de plus…

Le code du travail est formel  : à l’issue de son congé parental, le salarié doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Normalement, le contrat de travail le protège aussi d’une modification substantielle de son activité. Mais, en pratique, les changements qui ne concernent pas directement le salaire, les horaires ou le lieu de travail sont difficiles à contester. Du coup, les femmes, qui font déjà face à une nouvelle organisation, doivent, en parallèle, reconquérir leur poste et défendre leurs plates-bandes. « On traite les femmes qui reviennent de congé maternité et parental comme si elles étaient coupables de quelque chose !, s’indigne Hélène Yvonne Meynaud. On leur retire des responsabilités au motif qu’elles ne peuvent plus, par exemple, assister aux réunions à 18 h. L’organisation du travail continue d’être décidée par des hommes… » Des hommes qui, contrairement à d’autres, ne vont pas chercher les enfants le soir. Les autres congés longs sont encadrés par des lois : le congé pour longue maladie, par exemple, prévoit un entretien de retour avec la médecine du travail. Mais le congé parental souffre d’un vide juridique. « Les employeurs en profitent pour faire des différences de traitement, déplore Rachel Spire. Ils pénalisent ce qu’ils considèrent comme un choix de vie alors que c’est un droit. » Selon cette avocate, la réforme pourrait « étendre la discrimination » aux pères. « Il vaudrait mieux prolonger la protection qui entoure le congé maternité. »

Société
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