Protéger les victimes de la traite

Bien qu’encadrés par la loi, les programmes d’aide aux personnes exploitées par un réseau de prostitution sont peu appliqués.

Lena Bjurström  • 21 mars 2013 abonné·es

Quand on lui parle de prostitution et de traite des êtres humains, Claude Boucher, présidente des Amis du Bus des femmes, s’agace : « Qu’on arrête de confondre ! La traite, c’est bel et bien de l’esclavage ! » Pour elle, cet amalgame trop fréquent est caractéristique du désordre du débat politique français. « Il faut repenser les priorités. Pendant que l’on s’interroge sur la morale de la prostitution, les personnes exploitées par des réseaux ont trop peu accès à la protection légale qui leur est due. » Si la répression de la traite et la protection de ses victimes sont théoriquement encadrées par la loi française, dans la pratique, leur application fait face à de nombreux problèmes.

La traite des êtres humains est un délit récent, passible de sept à dix ans de réclusion depuis 2003. Elle devient un crime si elle est commise en bande organisée ou s’il y a eu recours à des actes de torture. La peine encourue est alors l’emprisonnement à perpétuité. Mais de telles condamnations sont rarement prononcées par les tribunaux, qui, face à la difficulté de prouver l’infraction, se rabattent sur le délit de proxénétisme aggravé. « Même dans ce cas, les proxénètes écopent souvent de trois ans de prison au lieu des dix préconisés », déplore Claude Boucher. Et, pour les associations, la difficulté réside dans l’identification des victimes. « La plupart ne se désignent pas comme telles et refusent toute aide par peur des conséquences pour elles ou leur famille restée à l’étranger », poursuit la présidente des Amis du Bus des femmes.

Le dispositif national Accueil Sécurisant (Ac.Sé), initié en 2001, accueille les victimes de traite dans des centres d’hébergement et de réinsertion, et, s’appuyant sur un réseau de soutien, prévoit un éloignement si c’est nécessaire à leur protection. Mais les places sont rares, les budgets réduits et en grande partie à la charge des associations partenaires. « Il faut d’urgence un vrai dispositif de protection sécurisé, entièrement pris en charge par l’État, alerte Claude Boucher, et il faut s’assurer que les droits des victimes sont bien appliqués. » Souvent des étrangères en situation irrégulière, les victimes de traite peuvent être régularisées de manière temporaire. La délivrance d’un titre de séjour, dont les frais s’élèvent à 360   euros environ, est cependant soumise à un dépôt de plainte ou à un témoignage lors d’un procès, et serait inégalement appliquée par les préfectures. Enfin, si les victimes peuvent bénéficier d’une allocation ou d’une indemnisation en attendant le jugement, dans les faits, elles n’y auraient que rarement accès.

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