FSM 2013 : Un regain de vitalité

Le Forum social mondial, fort de son succès tunisien, suscite un intérêt renouvelé dans le monde et veut se réformer pour progresser.

Patrick Piro  • 4 avril 2013 abonné·es

«N on au FSM capitaliste ! », lancent quelques militants de l’Union générale des étudiants de Tunisie. Dans une indifférence curieuse. À Tunis, les critiques virulentes de la gauche radicale à l’endroit du forum sont peu audibles. Pour la majorité des participants du monde arabe – le gros du public –, la révolution passe par la conquête de la démocratie avant le renversement de l’ordre économique. Et le forum sert indéniablement leur stratégie. « On vient nous remercier de toute part, témoigne Abderrahmane Hedhili, coordonnateur du FSM de Tunis. Les mouvements sociaux tunisiens affirment désormais vouloir se rapprocher pour renforcer la révolution et bâtir la transition. »

Les critiques n’ont pas disparu. Elles s’exercent avec civilité, dans une salle de la fac de sciences, où l’on examine la production de savoirs au sein du FSM, une première, semble-t-il. « Il faut les “décoloniser”, marqués qu’ils sont par l’inspiration occidentale des mouvements qui ont donné naissance au forum », souligne la sociologue canadienne Janet Conway, auteure d’un livre tramant dix ans de production des mouvements sociaux sur fond de crise du capitalisme [^2]. « En raison d’un eurocentrisme fort, les questions de racisme, de genre ou de minorités sont peu saillantes », remarque la Britannique Hilde Stephanson, chercheuse au Centre for the Study of Global Media and Democracy (Londres). Langues de communication et de publication, place des savoirs indigènes, expression des classes défavorisées, les sources et les vecteurs s’imposent sous l’influence des ONG du Nord, relève Rose Brewer, du Gender Justice Working Group aux États-Unis. « Cependant, les mouvements de base exercent une très forte pression sur les approches académiques, tempère Roma, du National Forum of Forest People and Forest Workers, en Inde. En 2004, au FSM de Mumbai, 4 000 pauvres sont venus de tout le pays parce qu’ils avaient appris qu’on y débattrait de pauvreté. Au retour, les femmes de ma région se sont organisées pour récupérer 8 000 hectares auprès d’entreprises qui les avaient spoliées. Le forum a le mérite d’avoir créé un espace utile, à nous de prendre les places qui nous y reviennent ! »

Quelques jours avant l’ouverture du FSM courait le bruit qu’il serait le dernier, « essoufflement » oblige. La crainte a été balayée par la vitalité de l’édition   2013. « Nous sommes venus en Tunisie avec le ferme espoir de retrouver une inspiration qui s’étiole chez nous », reconnaissent les Brésiliens Moema Miranda et Chico Whitaker, deux piliers historiques du forum. D’ores et déjà, le Mexique et le Canada ont signalé leur volonté d’accueillir le FSM   2015. Tout comme l’Inde, au cœur d’une vaste opération asiatique de régénération de l’élan de Mumbai. Quant au Conseil international du forum, il a engagé une réforme afin de mieux coller à l’évolution de la crise mondiale mais aussi à l’état contrasté de la mouvance altermondialiste, des gains politiques latino-américains au recul européen, de l’élan arabe aux espoirs asiatiques.

[^2]: Edges of Global Justice (voir le site www.routledge.com).

Monde
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