Islam : Et revoilà le voile…

L’annulation par la Cour de cassation du licenciement d’une employée de la crèche Baby-Loup portant le foulard relance un débat piégé.

Lena Bjurström  • 11 avril 2013 abonné·es

Le 19 mars, la Cour de cassation annulait le licenciement d’une employée musulmane de la crèche associative Baby-Loup qui refusait d’enlever son foulard sur son lieu de travail. Une décision abondamment commentée, d’autant que cette même cour avait confirmé par ailleurs le licenciement, pour le même motif, d’une employée de la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis. La différence ? L’une est une entreprise privée, l’autre chargée d’un service public. Dans le premier cas, l’interdiction par le code du travail des « discriminations à raison des mœurs, des opinions ou de la religion de salariés » prime. Pour la seconde affaire, c’est l’obligation de neutralité des agents de service public, remontant à la loi de 1905, qui importe. Pour rappel, la loi française a également interdit les signes religieux « ostentatoires » à l’école publique (2004) et le port de la burqa en public (2011). Le débat sur le voile islamique n’est pas neuf, mais il est toujours aussi inflammable.

Une raison pour François Hollande de s’emparer de l’affaire Baby-Loup. Lors de son intervention sur France 2 le 28 mars, le chef de l’État jugeait que « des règles » devaient être posées, au moins dans le secteur de la petite enfance, partiellement financé par l’argent public. Fait divers, débat, projet de loi : l’enchaînement médiatique n’est pas nouveau, l’annonce politique non plus. Le Président n’a peut-être pas noté qu’une proposition de loi en ce sens a été déposée en janvier à l’Assemblée. Et ce texte de députés PRG n’est qu’une vague copie d’un autre, voté un an plus tôt au Sénat, qui n’est jamais passé à l’Assemblée. Et pour cause : cette proposition de loi qui, déjà, visait à « étendre l’obligation de neutralité » aux crèches, centres de loisirs et assistants maternels à domicile avait déclenché un tollé. Les sénateurs socialistes avaient été accusés de glisser vers une « islamophobie d’État » en s’appuyant sur des ressorts de peur prisés par la droite de Nicolas Sarkozy. Le sociologue et historien Jean Baubérot estimait à l’époque que nombre de politiciens confondaient « l’affaire privée [^2] » que doit être la religion dans un État laïc et la « sphère privée » à laquelle on veut la cantonner. Un glissement « liberticide » selon lui. Le temps a passé, le débat n’a pas changé.

[^2]: « Une partie de la gauche mal à l’aise avec l’islam ? », par Erwan Manac’h, Politis.fr, 13 février 2012.

Société
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