Le drame syrien à la lumière de l’histoire

Grand connaisseur du Proche-Orient, Xavier Baron analyse les causes de la guerre civile.

Denis Sieffert  • 2 mai 2013 abonné·es

Née de la violence coloniale, la Syrie contemporaine avait peu de chances d’échapper au tragique de son destin. Tout avait commencé dans la douleur. Il avait fallu attendre vingt-cinq ans entre la proclamation d’indépendance du congrès national syrien de 1920 et la levée effective de la tutelle de la puissance mandataire. Non sans que l’aviation française bombarde Damas, en 1945. Puis, à peine indépendante, la Syrie a plongé dans la guerre israélo-arabe. Ce n’est pas le moindre mérite du livre de Xavier Baron, ancien directeur de l’AFP au Proche-Orient, que de réinscrire les événements actuels dans le temps long de l’histoire et de montrer l’interaction permanente entre la politique intérieure syrienne et les enjeux internationaux. D’emblée, la Syrie semblait condamnée aux violences intérieures. Elles n’ont pas tardé. Dès 1949, le général Housni Zaim inaugure une longue tradition de coups d’État. Cela, jusqu’à ce 13 novembre 1970, quand un général alaouite du nom d’Hafez al-Assad s’empare du pouvoir et installe une dictature implacable. Xavier Baron parvient à rendre intelligibles les rivalités de clans qui ont conduit à cet événement et qui n’ont pas cessé avec lui. Il montre notamment à quel point l’épisode de la République arabe unie, en 1958, a tracé une ligne de partage entre partisans et adversaires de cette tentative d’union syro-égyptienne initiée par Nasser.

Mais tout dans cette histoire ne se réduit pas à des guerres et à des coups d’État. La Syrie sera aussi, avec l’Irak, le lieu d’une aventure intellectuelle passionnante : celle de la création du Baas, « parti de la renaissance arabe ». Xavier Baron en restitue cette complexité qui perturbe nos grilles de lecture : « Le Baas est à la fois socialiste et nationaliste arabe, mais aussi laïc et attaché à l’islam […]. L’un de ses fondateurs [Michel Aflak] est chrétien, l’autre sunnite, et pourtant il s’appuie en Syrie sur la minorité alaouite. » Imaginé en Sorbonne dans les années 1930, le Baas organise son premier congrès en 1947 et conquiert le pouvoir en 1963. En apparence, il l’occupe aujourd’hui encore, si l’on veut bien considérer que le Baas du clan Assad a un quelconque rapport avec le parti de ses fondateurs, tous éliminés ou contraints à l’exil.

Dans la dernière partie du livre, Xavier Baron donne des clés pour déchiffrer l’imbroglio actuel. Il montre comment « les aspirations pacifiques et démocratiques du début [du soulèvement] ont été progressivement balayées par la violence de la répression », et comment « le pays a sombré dans une guerre totale aggravée par l’irruption d’acteurs extérieurs ». Un ouvrage important comme le fut jadis, du même auteur, un livre pionnier sur les Palestiniens, qui offrait un point de vue jusque-là ignoré.

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