Montreuil, ville exemplaire ?

La commune de Seine-Saint-Denis mène une politique d’intégration qui provoque la colère de certains habitants.

Ingrid Merckx  • 2 mai 2013 abonné·es

Qu’est-ce qu’une Mous ? Une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale. La Mous Roms de Montreuil (93), l’une des plus grandes de France, accompagne un peu plus de 350 personnes installées dans des caravanes sur des terrains de la ville en attendant mieux. Ce « mieux » pourrait être un programme de « logement modulaire », tel celui qui existe déjà rue Émile-Zola dans le Bas-Montreuil ou celui qui se met en place rue Paul-Bert. Début mai, onze familles devraient s’y installer, mais ce projet a déjà fait du bruit : le chantier a été occupé deux fois, le gardien retenu, les pneus des camions crevés, et, le 5 mars, des habitants, dont l’ancien maire Jean-Pierre Brard (PC), ont tenté de bloquer les camions livrant les conteneurs. Déjà en campagne pour les municipales de 2014, celui-ci s’affichait en soutien aux quelques familles qui refusent l’arrivée de Roms dans le voisinage. Les opposants font valoir que la population de la rue est déjà fragilisée et « qu’ajouter de la misère à la misère » ne favorise pas l’accueil. Ils dénoncent aussi le manque de concertation. « Les Roms suscitent un effroi incroyable, explique Claude Reznik, conseiller municipal. Les gens en veulent bien, mais pas en bas de chez eux. »

Le 4 avril, le tribunal administratif de Lyon a condamné le préfet du Rhône à reloger des Roms expulsés d’un campement, circulaire du 26 août 2012 à l’appui. Les préfets ont beau ingurgiter 80 000 pages de circulaires par an, celle sur « l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’évacuations des campements illicites » n’a pu se perdre dans un tas. Si son application est variable et parcellaire, c’est moins le fait de négligences que de décisions ou de pressions. Le 11 avril, c’est le préfet de l’Essonne qui a été assigné devant le tribunal administratif de Versailles pour non-relogement de 43 Roms après une évacuation. Faut-il y voir le résultat des efforts du « préfet des Roms », Alain Régnier ? Délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées (DIHAL), il a été chargé par le Premier ministre d’une mission d’accompagnement des Roms. Il compare leur situation à celle des sans-abri, sauf qu’ils vivent en famille et sont frappés de « racisme ordinaire ». Son problème numéro un ? « Le blocage de la société française. »

« La municipalité inscrit sa politique en direction des Roms dans les efforts de solidarité qu’elle poursuit envers l’ensemble des populations précaires, et non en fonction de leurs origines »,* rappelle le rapport (2012) de la mission d’évaluation de la Mous. Sauf parmi les oppositions politiques à la maire (EELV) Dominique Voynet, ce dispositif financé à 50 % par l’État fait plutôt consensus. « Mais il n’y a pas de solution idéale, admet Claude Reznik. En l’absence de logements sociaux suffisants, on bricole… » «  “Montreuil aux Montreuillois” reste un slogan répandu », déplore Alain Callès, élu chargé des populations migrantes. « Jean-Pierre Brard avait fait verser du colorant dans la fontaine place de la Mairie pour que les Roms ne puissent pas se servir de l’eau », rappelle Claude Reznik. Certains craignent que les Roms ne prennent des logements sociaux à des habitants qui attendent depuis des années. « Mais les attributions reposent sur des critères parmi lesquels l’origine ethnique ne figure en aucun cas ! », souligne Claude Reznik. « L’installation des familles rue Paul-Bert ne modifie en rien les listes d’attente, précise Alain Callès. Et puis les Roms sont au maximum 600 dans une ville de 105 000 habitants. »

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