Réformes : qui détient vraiment le pouvoir ?

Si le citoyen reste peu audible, diverses forces sont à même de peser sur les débats. Non sans risques de conflits d’intérêts.

Ingrid Merckx  • 30 mai 2013 abonné·es

Dans les débats de bioéthique, une multitude un peu opaque, et non exempte de conflits d’intérêts, d’institutionnels, de professionnels, de représentants de la société civile ou des cultes prennent la parole quand les citoyens restent inaudibles. « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux », précise désormais la loi (juillet 2011). L’heure du sursaut ?

Les institutionnels

Outre les espaces éthiques des hôpitaux, les espaces éthiques régionaux et interrégionaux ainsi que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’Académie de médecine et l’Académie des sciences, les deux acteurs institutionnels principaux restent le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et l’Agence de la biomédecine (ABM). Le CCNE, qui fête ses 30 ans, a bien failli se faire avaler par l’Agence de la biomédecine, mais il reprend du poids depuis l’élection de François Hollande. Ses membres sont d’orientations politiques et idéologiques diverses, voire peuvent souffrir de conflits d’intérêts, mais le CCNE tient à son indépendance et souhaite exercer pleinement son rôle consultatif. Dirigée par Emmanuelle Prada-Bordenave, l’ABM couvre le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellules, ainsi que la procréation, l’embryologie et la génétique humaines. Dans son conseil d’administration siègent des médecins, des pharmaciens, des représentants des établissements de santé, des biologistes et des personnalités qualifiées. Pierre Le Coz, vice-président du comité d’éthique, et Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace éthique de l’AP-HP, l’avaient qualifiée de « biopouvoir » en 2010.

La société civile

À chaque sujet ses associatifs. Fin de vie : l’Association française d’accompagnement et de soins palliatifs, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. PMA : l’association Clara, l’association Maïa, l’Association des parents gays et lesbiens, l’Unaf… On trouve aussi des fondations plus ou moins influentes ou identifiées, comme la Fondation Jérôme-Lejeune, qui édite la revue de presse la plus fournie en matière d?éthique. Très catholique, elle a déjà déposé onze recours contre les autorisations exceptionnelles de recherche sur l’embryon accordées par l’Agence de la biomédecine. Plutôt que des spécialistes ou des intellectuels, on entend des « experts », souvent les mêmes – scientifiques, médecins, philosophes, psychiatres, psychanalystes et juristes –, s’exprimer dans la presse, par des livres, ou être entendus dans les commissions.

Les professionnels

De nombreux professionnels et élus s’expriment sur les questions de bioéthique : les députés et les sénateurs des commissions des Affaires sociales et du Comité d’évaluation des choix scientifiques et techniques ; des chercheurs de l’Inserm et du CNRS ; des représentants d’organisations professionnelles (Fédération française hospitalière et Fédération de l’hospitalisation privée) ; le Conseil de l’ordre des médecins. Mais aussi les praticiens de l’AMP : laboratoires qui vendent les hormones, fabricants de matériel, biologistes publics et privés. Et, surtout, les banques biologiques (sang, gamètes, ovocytes), qui peuvent être publiques, privées (pas en France, mais l’achat et la vente restent possibles) ou semi-privées : Cecos, Cryo-Save, Infrastructure biobanques. Il existe aussi des start-up montées par des chercheurs qui trouvent ainsi un prolongement commercial à leurs travaux.

Les autorités spirituelles

La Conférence des évêques de France, la Fédération protestante de France, la Mosquée de Paris, le Conseil représentatif des institutions juives de France, le Grand Orient et la Grande Loge de France s?invitent également dans le débat par leurs prises de positions publiques ou des auditions.

Publié dans le dossier
Le retour du gaz de schiste
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