Sandrine Mansour-Mérien : « Un enjeu pédagogique »

Sandrine Mansour-Mérien évoque l’accueil réservé à son étude par les éditeurs de manuels scolaires et l’Éducation nationale.

Denis Sieffert  • 9 mai 2013 abonné·es

Parmi les éditeurs concernés par l’étude de l’historienne sur le traitement du conflit israélo-palestinien par les manuels de terminale, seul le directeur de Belin a réagi et promis d’apporter des modifications. Le 28 septembre, un colloque au Sénat poursuivra l’étude de cette question.

À la suite de votre étude, avez-vous pris contact avec les éditeurs et avec le ministère de l’Éducation nationale ?

Sandrine Mansour-Mérien : Nous avons décidé d’en présenter une première analyse lors d’une conférence-débat organisée à la Fête de l’Humanité en septembre dernier. Tous les éditeurs ont été invités mais ils ne sont pas venus. Cependant, David Colon, directeur de l’édition Belin, nous a écrit par la suite pour s’excuser et dire qu’il était désireux de lire nos remarques critiques. Nous avons aussi bien sûr contacté l’Éducation nationale et notamment l’Inspection générale.

Comment ont été reçues vos observations ? Peut-on espérer que des changements soient apportés ?

David Colon a accepté de nous recevoir et nous avons donc fait un point historique complet sur le chapitre du monde arabe. Il a pris note et a constaté qu’en effet nos analyses étaient justes et a promis de faire des modifications dans ce sens. Nous verrons ce qu’il en est. Quant à l’Éducation nationale, il faut savoir qu’il n’y a pas de « manuels d’État officiels », mais une responsabilité politique dans les programmes. Puis vient la responsabilité dans les recommandations aux enseignants, puis celle des éditeurs et au final la responsabilité des enseignants dans leur présentation aux élèves. Il n’y a pas de chef d’orchestre, mais une responsabilité partagée.

Le débat est très vif aussi sur ce sujet en Israël et en Palestine. Où en est-on ?

En Israël, parmi les universitaires qui travaillent sur la question, nous citons Nurit Peled-Elhanan, qui a détaillé son analyse dans un livre intitulé Palestine in Israeli School Books. Elle constate notamment que l’objectif du projet sioniste à travers les livres scolaires « est de créer une identité homogène pour toutes les ethnies juives en Israël (le plus connu des slogans des politiciens israéliens est : “Une Nation – Un cœur !”), tandis qu’il tente d’effacer – physiquement et moralement – les traces d’une présence continue palestinienne sur la terre » (p. 15). Parmi cet effacement, il y a l’interdiction d’enseigner la « Nakba », mais aussi le rôle de la représentation iconographique qui dépeint les Palestiniens comme des Bédouins sur des chameaux face à des Israéliens citadins et modernes.

Où en est la préparation du colloque du mois de septembre ?

Pour continuer l’activité du groupe de travail de l’association France Palestine solidarité, il a été décidé d’organiser un colloque international, le 28   septembre prochain au Sénat, avec Nurit Peled-Elhanan pour les livres scolaires israéliens, Samira Alayan pour les livres scolaires palestiniens, Michael Walls pour les livres scolaires suédois et moi-même pour les manuels français. Nous sommes accompagnés dans cette démarche par le Comité inter-universitaire de coopération avec les universités palestiniennes, ainsi que par l’Institut de recherches de la FSU, tous les deux intéressés par l’enseignement. On voit donc l’aspect important de la question, à la fois historique, bien sûr, et pédagogique. Parmi les invités, nous attendons tous les rédacteurs et éditeurs des manuels scolaires, mais aussi des élus, des représentants des instances de l’Éducation nationale, les syndicats d’enseignants, les associations de professeurs d’histoire-géo, les associations de parents d’élèves, les mouvements pédagogiques, la presse spécialisée et les mouvements d’éducation populaire.

Idées
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