Amory Lovins, l’homme qui voulait réinventer le feu

Le physicien américain Amory Lovins est venu à Paris présenter son travail sur un scénario de transition énergétique.

Claude-Marie Vadrot  • 13 juin 2013 abonné·es

Un homme à l’allure discrète. C’est lorsqu’il commence à disséquer nos gaspillages d’énergie qu’Amory Lovins, physicien américain de 65 ans, impressionne. Inventeur, en 1989, du concept négaWatt, il est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de la transition énergétique et écologique.

Venu s’en faire l’avocat en France, invité notamment à l’Assemblée par le député Denis Baupin (EELV) pour son dernier livre, Réinventer le feu, l’expert a rapidement constaté que les multinationales de l’électricité et du pétrole étaient aussi actives en France que dans son pays. Là où il dirige, dans le Colorado, le Rocky Mountain Institute, structure dédiée aux économies d’énergie. Est-ce parce que ses confrères scientifiques états-uniens l’ont longtemps tenu à l’écart ? Ou en raison de son séjour en Grande-Bretagne, où il a enseigné à Oxford ? Le personnage est d’un abord très réservé, so british, presque timide. Avec des pointes d’humour venant alléger ses explications truffées de chiffres qui donnent le tournis. Car sa maîtrise du sujet est redoutable. Mais, lorsqu’on évoque sa maison à énergie positive ^2, où il vit depuis une trentaine d’années, et dont il est heureux qu’elle ait fait des émules, un large sourire éclaire son visage. « Il s’agit d’être en phase avec ce j’explique depuis des années. Si je veux être crédible, je dois vivre comme je pense. » Les premières années, la renommée de la maison était telle que les visiteurs s’y succédaient sans prévenir. Il a dû organiser un jour de visite par semaine pour réguler le flot des curieux, auxquels il explique sans relâche comment il a «   réussi à faire de cette demeure un lieu où  [il] ne reçoi [t] jamais la moindre note d’électricité. Au contraire, [il] en vend à une compagnie locale. C’est la loi dans 42 États des États-Unis, même si les tarifs ne sont pas souvent à l’avantage du consommateur. » Puis, en riant franchement, il parle du « bonheur ineffable de ne dépendre de personne : de la voiture au chauffage en passant par le moindre équipement ménager, on peut réduire toutes les consommations d’énergie en vivant aussi bien ».

Amory Lovins explique en souriant que, au début, la régulation thermique de cette maison bâtie avec des matériaux locaux (bois et pierres participent à l’isolation) se faisait en ouvrant ou en fermant les portes. Désormais, sa femme et lui disposent d’une batterie de capteurs. Le physicien a convaincu depuis longtemps les universitaires que l’énergie était un vrai sujet de recherche et non une simple préoccupation économique. Il ne cherche pas à révolutionner le monde, juste à le faire évoluer vers la sobriété. Refusant toute analyse politique et un choix entre idéologies ou partis : « Ma religion, c’est la réduction de nos consommations pour le bien de la planète.   » Le Rocky Mountain Institute est né dans une petite pièce de sa maison il y a trente ans, avec trois personnes, et il atteindra la centaine de techniciens et de scientifiques à la fin   2013. Tous acharnés, comme Lovins, à trouver des solutions pour que les habitants de la Terre cessent de dévorer l’énergie.

Écologie
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