Cécile Duflot visite le Village vertical à Villeurbanne

La ministre du Logement a visité, lundi 17 juin, un projet d’habitat participatif dans un immeuble écoconstruit et porté par une coopérative d’habitants. À dix jours de la présentation de son (…)

Ingrid Merckx  • 19 juin 2013
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Cécile Duflot visite le Village vertical à Villeurbanne
© Photos / I. Merckx

Pas de spéculation. C’est l’idée force défendue par les porteurs de projet réunis ce lundi 17 juin dans une salle au rez-de-chaussée du Village Vertical à Villeurbanne. Ils ont égrené des valeurs communes telles que : « écologie », « sobriété énergétique », « coopération », « solidarité », « mutualisation », « éducation populaire »… mais surtout une même volonté de sécuriser le logement, de bloquer les loyers, de ne plus dépendre du bon vouloir d’un propriétaire, et de devenir « acteur » de son habitat, comme on devient acteur de sa consommation. Et pour ce faire, ils ont choisi de passer par une coopérative d’habitants soutenue par Habicoop, dont le Village Vertical est le projet pilote.

Illustration - Cécile Duflot visite le Village vertical à Villeurbanne

«Un habitat social et écologique initié et conçu par ses habitants, dont ils sont, collectivement, l’unique propriétaire, et qu’ils gèrent démocratiquement, sans spéculation ni but lucratif.» , annonce la présentation du Village Vertical. 38 logements sur la Zac des Maisons neuves à 15 minutes du centre de Lyon, sur 3 hectares : 14 logements sociaux en coopérative d’habitants dont 4 très sociaux «en résidence sociale jeunes» et 24 en accession sociale à la propriété. Le Village Vertical a prévu des espaces mutualisés : buanderie, chambres d’amis, salle de réunion avec cuisine, jardin partagé… « Et une seule baignoire» , insiste un «villageois vertical». Propriétaires de parts sociales, les coopérateurs paient des mensualités qui reflètent le coût réel de leur logement.

Cet immeuble neuf, éco-conçu en bois-béton – label BBC (bâtiment basse consommation), avec eau chaude obtenue via une pompe à chaleur, panneaux photovoltaïques, chaudière collective bois pour le chauffage – est aussi la «première coopérative d’habitants du XXIe siècle». D’où la visite ministérielle sous forme d’inauguration, dix jours avant le dépôt du projet loi Alur (Accès au logement et un urbanisme rénové) en Conseil des ministres. Ce texte prévoit notamment un encadrement juridique de l’habitat participatif.

« Il n’y avait rien », a tranché la ministre peu avant la réunion. Seuls 10 % des projets d’habitat participatif voient le jour. Le montage notamment financier des projets est tellement complexe que nombre de partenaires abandonnent en route. *« Pour l’instant, c’est du bricolage juridique, le projet de loi devrait notamment permettre d’accéder à des modes de financement, faciliter les crédits. »
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Un projet porté à bout de bras

Même s’il a mis huit ans à se faire, le Village Vertical témoigne de l’investissement de chacun des partenaires : habitants, promoteur et collectivités ont porté le projet à bout de bras. Tout le monde se congratulait pendant la visite, se félicitant du soleil qui ne gâchait pas la fête et composant avec le vent qui passait dans les coursives, ébouriffait les visiteurs et couvrait une partie des discours de présentation. Notamment celui de l’architecte (Arbor & Sens et Detry & Levy) expliquant comment une demande des habitants appuyés par le promoteur a permis une innovation technique dans la construction de la façade, réduisant la part de béton au profit du bois. Prouesse qui a bien intéressé la ministre…

« Si des gens montent un projet d’éco-logement avec jardin partagé, mutualisation des parties communes etc, c’est qu’ils vont s’installer durablement dans le quartier… » , a précisé Cécile Duflot. Le Village Vertical entend bien «diffuser» alentour. C’est pourquoi avaient été conviés à la réunion d’autres porteurs de projets non encore finalisés : Chamarel. les Barges, une résidence de « vieux » à Vaulx-en-Velin ; la Gargousse, qui propose de réhabiliter un immeuble du vieux Lyon ; et Coop en Germ, un projet d’habitat transgénérationnel en « périurbain ». « Nous cherchons une troisième voie pour le logement » , a résumé Floriane Larreur, de Coop en Germ, une jeune mère portant un bébé en écharpe. L’habitat participatif, c’est une solution alternative entre le parc privé (trop cher) et le logement social (difficile d’accès). Pour la classe moyenne surtout, éligible au prêt à taux zéro.

Illustration - Cécile Duflot visite le Village vertical à Villeurbanne

L’idée n’est pas neuve. « Des amis de mes parents dans les années 1970… », commençait à raconter la ministre dans le train en venant. Mais elle prend une nouvelle forme en 2013, à l’heure de la crise du logement mais aussi du développement de l’éco-habitat et de l’économie solidaire. Des «néos babas» pour certains, des citoyens engagés pour d’autres. Une curiosité en France quand le modèle est répandu en Suisse ou en Allemagne.

« Il faudrait revenir voir dans deux ans… , glisse une dame à l’issue de la visite devant des verrines betterave-gigembre. Quand la Zac sera entièrement aménagée, que le jardin partagé sera planté, que les gardes partagées pour les enfants se seront mises en place… »

Une petite fille de deux mois sur le ventre, Caroline, la trentaine, vient tout juste de s’installer. Le quartier est en plein travaux, il n’y a pas encore d’assistante maternelle à proximité de la Zac et les places en crèches à Villeurbanne, « c’est même pas la peine d’y penser… ». Avec son conjoint, ils ont voulu rejoindre le Village Vertical il y a deux ans et demi, «mais il n’y avait plus de place. Comme l’esprit de la cooperative nous plaisait, nous avons opté pour le projet voisin, le Village de Jules, cette partie de l’immeuble qui est en accession sociale à la propriété. Avant, nous étions en colocation, nous avions envie d’acheter un logement. Nous avions cherché une grande maison à partager à plusieurs familles mais c’était difficile de trouver où et avec qui. Et puis nous n’aurions pas pu nous loger dans le neuf à ce prix (2700 euros le m2…) avec cette qualité de bâtiment et de réflexion sur les matériaux. En outre, nous restons proches de la coopérative d’habitants.»

Illustration - Cécile Duflot visite le Village vertical à Villeurbanne

De même que les quatre logements jeunes, qui seront gérés par une association, choisie par le Village Vertical. « Ils sont disséminés dans l’immeuble, pour respecter le principe de mixité sociale » , souligne Marc Damians, président de Rhône Saône Habitat. Une « coopérative HLM militante », a commenté la ministre. Elle a d’ailleurs été choisie comme syndic de l’immeuble.

Sur le quai de la Part-Dieu, en attendant le train de Paris, Cécile Duflot croise Christiane Taubira, venue à Lyon pour le 109e Congrès des notaires. Les deux ministres se saluent avant de rejoindre leurs équipes. Dans le train, Cécile Duflot tweet : « Beau bain d’esprit coopératif à Villeurbanne. » Une parenthèse : il faisait grand beau à Lyon alors qu’elle avait quitté Paris sous la grêle et que l’arrivée se fait sous la pluie. De quoi recharger les batteries avant l’examen de sa loi, le 26 juin prochain.

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