Iran : La surprise Rohani

Les réactions internationales après l’élection présidentielle en disent plus sur les pays occidentaux que sur l’Iran.

Denis Sieffert  • 20 juin 2013 abonné·es

L’élection dès le premier tour de la présidentielle iranienne d’Hassan Rohani a pris de court la plupart des capitales occidentales. Vainqueur avec 50,7 % des voix, Hassan Rohani fait en effet figure de modéré et ne semblait pas être le candidat choisi par le Guide suprême, Ali Khameneï. Des États-Unis à Israël, en passant par la France, on semble s’interroger sur le sens à donner à cette élection célébrée à Téhéran par la jeunesse comme une victoire contre les durs du régime islamique et une rupture avec l’ère Ahmadinejad. Mais, alors qu’une majorité d’Iraniens se pose surtout la question de l’économique et du social, les capitales occidentales n’ont qu’une obsession : la bombe atomique. Si Hassan Rohani a fait campagne sur des thèmes sociaux, il a maintenu au cours de sa première conférence de presse, lundi, la ligne du régime sur le dossier nucléaire en excluant tout arrêt de l’enrichissement d’uranium. Pourtant, son discours a pu paraître contradictoire puisque cet homme plutôt connu pour sa recherche du consensus a, dans le même temps, promis « plus de transparence » sur ces activités. Il a ouvert une porte au dialogue avec Washington, mais, a-t-il dit, « dans l’égalité et le respect mutuel ».

Du coup, les réactions internationales ont traduit un certain embarras, pour ne pas parler de confusion. Barack Obama a voulu voir des « signes positifs » dans l’élection du nouveau Président iranien, et même « une soif  [du peuple iranien] pour collaborer avec la communauté internationale ». À Paris, Laurent Fabius s’est montré plus prudent, se contentant de « prendre acte » du résultat de la présidentielle, et saluant « l’inébranlable aspiration à la démocratie du peuple iranien ». C’est un tout autre son de cloche du côté du gouvernement israélien. « La communauté internationale ne devrait pas se bercer d’illusions et être tentée d’alléger la pression exercée sur l’Iran pour qu’il cesse son programme nucléaire », a immédiatement réagi le Premier ministre, Benjamin Netanyahou. Un propos qui semble surtout s’adresser à Barack Obama, qu’il a plusieurs fois tenté d’entraîner dans une aventure militaire contre l’Iran. En fait, c’est l’éditorialiste du principal quotidien israélien, Yediot Aharonot, qui a sans doute le mieux exprimé ce qu’il faut bien appeler un certain désarroi : « Qu’allons-nous faire, s’est-il interrogé ironiquement, sans l’épouvantail, le fanatique Ahmadinejad ? Qu’allons-nous devenir sans le Hitler perse ? Nous allons soit devoir revenir à la réalité, soit nous trouver rapidement un nouveau Satan. »

Un commentaire qui en dit plus long sur le caractère boutefeu de la droite israélienne au pouvoir que sur l’Iran. Il n’en reste pas moins vrai que les dossiers nucléaire et Syrie (où l’Iran est engagé au côté de Bachar Al-Assad) seront toujours dans les mains, à Téhéran, du Guide suprême, Ali Khameneï. Mais si Hassan Rohani n’a évidemment pas les coudées franches sur ces questions, son élection traduit cependant l’exaspération d’une population qui souffre des conséquences des sanctions économiques imposées par les pays occidentaux. Réputé homme de négociation, surnommé « le Cheikh diplomate », Hassan Rohani devra concilier l’intransigeance des conservateurs et la question sociale. Au travers de sa personne, c’est le peuple iranien qui fait pression pour que le pays sorte de la crise. Encore faut-il que les pays occidentaux ne cherchent pas à humilier Téhéran.

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