« Les Intellectuels intègres », de Pascal Boniface : Les dérangeurs de consensus

À l’opposé des « faussaires », le portrait de quinze personnalités qui pensent à contre-courant.

Céline Loriou  • 20 juin 2013 abonné·es

Dans les Intellectuels intègres, Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), brosse le portrait de quinze personnalités, femmes et hommes qui fuient la lumière médiatique (ou, à tout le moins, ne la recherchent pas), quand d’autres hantent les plateaux de télévision et les studios de radio. Pascal Boniface cite évidemment dans cette seconde catégorie les omniprésents Bernard Henri-Lévy et Caroline Fourest, qui figuraient en bonne place dans les Intellectuels faussaires, paru en 2011. Voici donc le versant positif de ce précédent ouvrage, destiné à « mettre en avant des gens qui, trop souvent, sont réticents à le faire pour eux-mêmes ». Chaque portrait est suivi d’un entretien sur la place et le rôle de l’intellectuel dans notre société.

Selon l’auteur, Stéphane Hessel, Régis Debray, Jean Ziegler et quelques autres ont en commun l’intégrité, au sens où ils n’hésitent pas à se dresser « contre les vents dominants » par conviction, et non par intérêt personnel. Alors que les faussaires cherchent à tout prix le consensus, les « intellectuels intègres » mènent des luttes qu’ils estiment justes, prenant parfois le risque d’assumer des positions qui vont à l’encontre de la pensée dominante. Ce qui explique en partie leur absence médiatique, puisque leur pensée, loin de tout formatage, ne peut être réduite à des interventions « coup de poing » de vingt-cinq secondes, selon l’expression de Régis Debray. Ces quinze personnalités ont toutes travaillé sur les questions internationales, sous des aspects divers : Rony Brauman refuse le « silence complice » des organisations humanitaires lors de la famine en Éthiopie en 1983-1984, silence qui « renforce la politique de déplacement forcé » organisée par le gouvernement ; Emmanuel Todd s’appuie sur le taux de mortalité infantile en Union soviétique pour prédire l’effondrement du régime dès 1976, alors que tout le monde « s’inquiétait de [sa] montée en puissance militaire »  ; Catherine Wihtol de Wenden fait de la question des flux migratoires un sujet de science politique à une époque où l’on ne pensait l’immigré qu’en tant qu’ouvrier. Leurs analyses « donnent les clés » pour mieux comprendre le fonctionnement de la société et « essayer de l’améliorer ». Leurs œuvres nourrissent le débat public, car le public sait reconnaître les « intellectuels intègres » des faussaires.

Ce fut le cas lorsque le livre de Stéphane Hessel, Indignez-vous !, est devenu un phénomène d’édition sans promotion médiatique. Une trentaine de pages qui ont trouvé un écho auprès d’une jeunesse tout aussi indignée qu’Hessel. C’est à ce « vieux résistant, idole des jeunes », décédé en février à l’âge de 95 ans, que Pascal Boniface dédie son livre.

Idées
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