Moratoire de trois mois pour la maternité des Lilas

Après trois jours de campement de protestation devant le ministère de la Santé, la maternité des Lilas a obtenu un moratoire. Essuyant un nouveau refus pour son projet de reconstruction, elle a trois mois pour examiner un éventuel déménagement à l’hôpital de Montreuil. Reportage.

Ingrid Merckx  • 30 juin 2013
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Moratoire de trois mois pour la maternité des Lilas
© Photos : I. Merckx

Quelques femmes enceintes attendent un rendez-vous dans les couloirs de la maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis). « C’est calme ce matin » , glisse une dame de l’accueil. Il n’y a pas la queue, pas de bébés dans les parages, juste une blouse qui passe de temps en temps. Sauf un communique affiché dans un coin et un autre scotché sur le comptoir du secrétariat, rien ne dit que le collectif qui soutient la maternité dans son combat pour une reconstruction depuis quatre ans vient de lever le campement de protestation installé devant le ministère de la santé à Paris du 24 au 27 juin.

«La reconstruction de la Maternité des Lilas a été suspendue une première fois en 2011 par Claude Evin, directeur général de l’ARS-IDF [agence régionale de santé d’Ile de France]. Après une mobilisation exemplaire des Collectifs de défense, l’ARS s’était fermement engagée, dans un courrier en date du 26 janvier 2012 pour la reconstruction de la Maternité des Lilas aux Lilas. Par courrier du 3 juin 2013, Claude Evin met à nouveau brutalement fin à ce projet et propose une solution alternative : intégrer des locaux désaffectés de l’hôpital de Montreuil.» , annonce ce communiqué.

«Mort programmée»

« Nous avons toujours joué les bons élèves, nous allons donc étudier le projet de fusion avec l’hôpital intercommunal de Montreuil , explique Christine Bouffard, coordinatrice sage-femme en faisant visiter les locaux « vétustes » des Lilas. Le problème n’est pas de déménager mais le type de déménagement qu’on nous propose : de troquer un projet de reconstruction dans plus de 5000 m2 contre un déplacement dans 1500 m2 à rénover, comme aux Lilas. Et, sur place, de « mutualiser ». Le laboratoire, le ménage, la pharmacie, pourquoi pas, mais comment faire travailler ensemble, sur un même plateau technique, une équipe de maternité de niveau 3 habituée à des urgences et une autre de niveau 1 qui réalise 80 % d’accouchements physiologiques ? »

C’est la raison pour laquelle nombreux voient dans le projet de fusion entre la maternité des Lilas et l’hôpital intercommunal de Montreuil la « mort programmée des Lilas ». Il ne s’agit pas d’adosser la maternité à l’hôpital – comme c’est le cas, par exemple, pour la maternité des Bluets et l’hôpital Trousseau, où chacun garde son fonctionnement – mais d’intégrer les Lilas à l’hôpital. « Que va devenir notre projet médical? » , s’inquiète Christine Bouffard.

Créée en 1965, la maternité des Lilas comporte deux ailes : « Celle-ci, c’est le pôle planning familial et IVG, présent-t-elle en tendant le bras et en grimaçant sur le terme « pôle », maintenant si connoté. Là, c’est le pôle maternité. En bas, la salle de réunion et la salle de préparation à l’accouchement. Dans les étages, le bloc et les salles de naissance. »

Spacieuses, désertes ce matin là, elles comptent deux lits dont un très grand ou les femmes en plein travail peuvent poursuivre leurs exercices de préparation avec le père s’il le souhaite.

Illustration - Moratoire de trois mois pour la maternité des Lilas

« Ces deux pôles dans un lieu unique, c’est fondamental, souligne Marie-Laure Brival, obstétricienne chef de service à la maternité et présidente du collectif Maternité des Lilas. Ici, on ne cache pas les femmes qui viennent interrompre une grossesse. Avoir ou ne pas avoir un enfant peuvent coexister dans une vie, c’est une question de choix à un moment donné, notre travail consiste à éclairer ce choix et à l’accompagner. » Entre une garde de 24 heures et un conseil d’administration, elle prend deux heures, devant un café dans la cantine qui ouvre sur le petit jardin de la maternité, pour redire ce qui fait de ce lieu un espace symbolique du droit des femmes depuis les années 1960.

Illustration - Moratoire de trois mois pour la maternité des Lilas

«La loi Neuwirth, le droit à l’avortement, puis l’épidémie de Sida sont des coups de canif historiques dans le pouvoir médical. Nous nous inscrivons dans cette ligne : aux Lilas, nous défendons l’idée que les femmes doivent garder le pouvoir sur leur maternité et la manière dont elles souhaitent donner naissance à leur enfant et non pas être dépossédées de leurs compétences par des médecins qui leur disent quoi faire et comment. Nous ne sommes là que pour les accompagner, et intervenir médicalement s’il y a une complication. Soit dans 20 % des cas.»

Les Lilas sont parfois considérés comme une maternité « bobo ». Ce qui la fait bondir : « Deux tiers de la patientèle viennent des environs ! [populaires et métissés, ndlr]. Et combien parce qu’elles ont fréquenté le centre de planning familial ? » .

Face à des maternités comme les Lilas, les Bluets, ou les Diaconesses, l’heure serait à la « standardisation de la naissance » dans des « pôles » hospitaliers suréquipés et sur-sécurisés pour traiter un événement qui ne relève a priori pas de la pathologie.

La maternité intégrée à l’hôpital de Montreuil a été entièrement rénovée (sauf une partie qui justement acceuillerait les Lilas). Mais elle semble ne pas « faire » assez de naissances par an pour compenser l’investissement. L’ARS a donc pensé cumuler les 1700 naissances réalisées par an aux Lilas avec celles de Montreuil.

« Sauf qu’on n’a pas le même projet !, insiste Marie-Laure Brival. Les Lilas sont une exception dans le paysage. Que les femmes aient la possibilité d’exprimer leur choix est une question de démocratie citoyenne. Mais on n’est pas nombriliste. Si on gagne, c’est de l’espoir pour d’autres : on ne peut pas tout standardiser. » Elle confie le brouillon de la lettre qu’elle prépare pour la ministre de la Santé, Marisol Touraine, puis sort prendre l’air avant sa réunion.

Illustration - Moratoire de trois mois pour la maternité des Lilas

Dans le projet de reconstruction des Lilas, à quelques centaines de mètres, la maternité entend passer à 2500 naissances par an. Ses locaux actuels ont besoin d’être remis aux normes et ne lui permettent pas d’accueillir davantage.

A suivre dans Politis du jeudi 4 juillet.**

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