En Égypte, la coalition fissurée

La tension règne après la mort, le 5 juillet, de plus de 50 manifestants pro-Morsi, rendant impossible toute solution politique autour d’un Premier ministre laïque et libéral, et menaçant de faire basculer le pays dans la guerre civile.

Denis Sieffert  • 11 juillet 2013 abonné·es

La coalition hétéroclite qui, le 5 juillet, avait soutenu le coup de force de l’armée contre le Président élu Mohamed Morsi s’est fissurée lundi. La mort d’au moins 50 manifestants pro-Morsi, abattus par des militaires et des policiers alors qu’ils étaient rassemblés devant le siège de la Garde républicaine, a montré un pays qui peut basculer à tout instant dans la guerre civile. La répression a pu apparaître comme une résurgence de l’époque Moubarak. À cela près que les Frères musulmans, qui se sentent spoliés du pouvoir, restent mobilisés dans l’espace public. L’effusion de sang de lundi a provoqué une vive émotion parmi les personnalités qui s’étaient mobilisées pour la chute de Morsi. Le président par intérim, Adly Mansour, a ordonné l’ouverture d’une enquête. Le principal parti salafiste, al-Nour, s’est retiré de la coalition, et ses porte-parole ont parlé de « massacre », reprenant les termes du communiqué des Frères musulmans, avec lesquels ils sont pourtant en conflit ouvert. Le prix Nobel de la paix, Mohamed El Baradeï, un temps pressenti pour prendre la tête du gouvernement, a lui aussi réclamé une enquête indépendante. Enfin, la plus haute autorité de l’islam sunnite du pays, l’imam d’Al-Azhar, cheikh Ahmed al-Tayyeb, qui avait cautionné le renversement de Morsi, a annoncé qu’il se plaçait en retraite tant que les violences continueraient.

Sur le plan politique, il semblait acquis lundi soir que le Premier ministre serait un avocat de 48 ans, Ziad Bahaa Eldin. Un libéral de centre-gauche qui a dirigé plusieurs institutions économiques et financières. Entré en politique après la chute de Hosni Moubarak, début 2011, il est l’un des dirigeants d’une formation laïque, le parti social-démocrate égyptien fondé il y a deux ans. Mohamed El Badareï serait vice-Premier ministre. Les salafistes d’al-Nour ont exprimé leur opposition à ces choix qui, ont-ils jugé, ne sont pas « consensuels ». Le choix de Ziad Bahaa Eldin vise clairement à rassurer les milieux d’affaires et, particulièrement, les nombreuses sociétés qui vivent du tourisme. Mais rien ne sera possible sans un retour à la stabilité qui suppose un minimum d’accord avec les Frères musulmans. L’épisode tragique de lundi matin nous en a éloignés un peu plus encore.

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