Exaspération générale

Ce qui a été démasqué, c’est la dictature du pouvoir financier.

Gustave Massiah  • 4 juillet 2013 abonné·es

Les récents mouvements massifs, quasi insurrectionnels, au Brésil, en Turquie, en Égypte, en Grèce et en Indonésie témoignent de l’exaspération des peuples. Ces révoltes ont un soubassement commun dans la compréhension de ce qu’est la crise structurelle officiellement admise depuis 2008. Mais ce n’est pas sur cette analyse d’ensemble que démarrent les mouvements. L’explosion part de questions inattendues et se prolonge. Ces mouvements se rattachent au nouveau cycle de luttes et de révolutions qui a commencé il y a moins de trois ans à Tunis et en Égypte, et qui a mis en avant la lutte contre les dictatures. Il a ensuite gagné l’Espagne, le Portugal et la Grèce en posant la question de la démocratie réelle. Il a trouvé un nouveau souffle en traversant l’Atlantique à travers les « Occupy » Wall Street, London, Montréal. Il a pris des formes plus larges dans de nombreux pays du monde, au Chili, au Canada, au Sénégal, en Croatie, autour de la faillite des systèmes d’éducation et de la généralisation de l’endettement de la jeunesse. Le pouvoir économique et le pouvoir politique, à travers leur complicité, ont été désignés comme les responsables de la crise. Ce qui a été démasqué, c’est la dictature du pouvoir financier et la « démocratie de basse intensité » qui en résulte. Les premières jonctions tiennent à la nature des mots d’ordre explicités depuis Tunis et Le Caire, et complétés par les autres mouvements. Il s’agit d’abord du refus de la misère sociale et des inégalités, du respect des libertés, du rejet des formes de domination. D’un mouvement à l’autre, il y a eu des affinements sur la dénonciation de la corruption et la désignation du « 1 % des plus riches et des plus puissants » ; sur la revendication d’une « démocratie réelle » et le rejet de la fusion entre les classes financières et politiques ; sur les contraintes écologiques, de l’accaparement des terres et des matières premières à l’environnement. Le Forum social mondial de Tunis, en mars 2013, a souligné les jonctions, diffuses, entre les nouveaux mouvements sociaux et le mouvement altermondialiste. Ce qu’il y a de nouveau dans ce cycle de révolutions est en gestation. Le temps des révolutions est un temps long et non linéaire. Les ruptures ne sont pas définitives. Ce qui se passe ces dernières semaines en Turquie, en Égypte et au Brésil confirme la défiance par rapport aux partis et aux formes traditionnelles du politique. Le refus de la corruption va au-delà de la corruption financière ; il s’agit de la corruption politique qui résulte de la fusion du financier et du politique. Comment faire confiance quand ce sont les mêmes, avec parfois un autre visage, qui appliquent les mêmes politiques, celles du capitalisme financier ? Quand on entend « vous ne nous représentez pas », il y a une double remise en cause : celle de l’élite politique, de la classe politique dans son ensemble, et celle, plus large, de la démocratie représentative. Les élections ne peuvent pas être réduites à une certaine manière de revenir à l’ordre après les insurrections révolutionnaires.

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