La guerre rentrée

Un livre illustré de Mathias Enard et Pierre Marquès sur l’ex-Yougoslavie.

Christophe Kantcheff  • 4 juillet 2013 abonné·es

Tout sera oublié, un livre illustré réalisé en duo par l’écrivain Mathias Enard et le peintre Pierre Marquès, retrace l’histoire d’une commande faite à ce dernier. Une commande particulière et ainsi résumée : « L’été 1991, les Serbes, les Bosniaques, les Croates commencent à se foutre sur la gueule, et vingt ans plus tard on me demande d’imaginer un monument qui ne soit ni serbe, ni bosniaque, ni croate, pour cette guerre oubliée plus que terminée. »

Pierre Marquès est perplexe, et il a raison. La réalisation de ce projet est tout simplement impossible. Non seulement parce qu’il faudrait imaginer un monument qui convienne à toutes les parties, mais surtout parce qu’aucun « lieu de mémoire » n’est envisageable quand la mémoire n’existe pas. C’est ce que découvre le peintre lors de ses pérégrinations dans les Balkans, à la recherche de l’inspiration. Le souvenir de la guerre, là-bas, est rentré, fantomatique. Un écrivain serbe lui explique que « tout le monde a perdu cette guerre, c’est pour cela qu’il n’y a pas de réconciliation possible ». Tout sera oublié est un livre de traces et d’effacement. Les illustrations de Pierre Marquès mettent en relation des ruines dans un paysage et des plis de la peau. Comme si la guerre restait encore tapie dans les corps. Indicible. Toute catharsis interdite.

Littérature
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