Question de vocabulaire ? (à propos d’un interview de J.M.Borello)
Jean-Marc Borello, fondateur du Groupe S0S, qui vient de voir rééditer son ouvrage « Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles » (éditions Rue de l’Echiquier) a donné un interview à Youphil dans laquelle il revient l’actualité du Groupe qu’il anime et sur le projet de loi relatif à l’ESS présenté par Benoît Hamon.
Comme à son habitude, il développe certaines critiques à l’égard de l’ESS que l’on peut aisément partager, mais il développe aussi sur l’ouverture du périmètre de celle-ci des positions qui, pour le moins, suscitent le débat.
A partir de la charte du Mouves, il s’interroge ainsi à bon escient sur certaines pratiques de grandes entreprise de l’ESS en matière d’échelle des rémunérations des dirigeants. Et il est vrai que ce que l’on sait de certaines banques coopératives lui donne raison. Le 1 à 10 que l’on peut envisager à partir du projet de loi, même élargi à 1 à 15 pour favoriser l’intégration de compétences devrait être une question principielle pour l’ESS.
De même il évoque les effets délétères du « small is beautifull » encore largement considéré dans le monde associatif. Il annonce à moyen terme une réduction drastique du nombre des associations gestionnaires : » Qu’on le regrette ou pas, dans 10 ou 15 ans, il y a aura 10 fois moins d’associations, mais des associations 10 fois plus importantes! « . Et là encore on peut le suivre. Le Groupe S0S semble montrer la voie pour une intégration autour d’outils communs, même si cela suppose une réelle maîtrise de la croissance.
Enfin, il affirme que la question des rapports sociaux et du travail dans l’ESS, la question un peu oubliée du projet de loi, malgré la position en pointe sur cette question du CESE, est déterminante. Et il va jusqu’à affirmer » Au motif de sauver le monde, on met des personnes dans des situations indignes « .
En revanche, revendiquant sans doute à juste titre l’influence du Groupe S0S dans la préparation de la loi, il crée une certaine confusion sur l’ouverture du périmètre de l’ESS en se réclamant d’un « social-business » objet d’interrogations légitimes. Jean-Marc Borello réaffirme pourtant la nature 100% associative de son groupe. Mais en se plaçant sur le terrain du « social-business » il semble légitimer les pratiques de social-washing, de green-washing de sociétés très éloignées de l’ESS mais surfant sur un air du temps qui paraît favorable à celle-ci ; en évoquant un « entrepreneuriat social » sur lequel le projet de loi demeure un peu flou, il légitime des initiatives plaçant le « start » d’entreprises dont le moteur est en définitive le profit sous l’égide de l’ESS et les rendant éligibles à l’ensemble des dispositifs d’aide selon le principe « je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, vive les rats ».
Ainsi, si la, juste, critique de certaines pratiques au sein de l’ESS est utile, elle ne doit pas conduire à une indétermination des règles la concernant. On risquerait de voir, en définitive, ces pratiques contraires aux valeurs et principes de l’ESS justifiées par le flou régnant désormais sur le périmètre et les références de celle-ci.
Peut-être ne s’agit-il là que d’une question de vocabulaire ?
Mais la précision serait utile tant l’ESS demeure encore difficilement lisible, voire illisible, au yeux de beaucoup.
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