Cette Europe qui vit sans l’euro

La santé économique des pays hors de la zone euro, tels la Suède et la Grande-Bretagne, dépend tout de même de la monnaie unique.

Thierry Brun  • 19 septembre 2013 abonné·es

Comment s’en sortent ces États membres de l’Union européenne qui ont gardé leur monnaie nationale ? Onze États sont dans cette situation [^2], et non des moindres. En septembre 2003, la Suède a organisé un référendum, à l’occasion duquel une majorité de la population s’est déclarée contre l’adoption de la monnaie unique. De même au Danemark, lors d’un référendum organisé en 2000. Et la future adhésion de cet État à la zone euro, récemment envisagée par le gouvernement, est toujours massivement rejetée par la population. Signe que l’euro a perdu de son attractivité, la Bulgarie, le plus pauvre des Vingt-Huit, a provisoirement renoncé à entrer dans la zone au vu de la crise de la dette. Et, depuis 2012, aucune date n’est prévue pour l’adoption de l’euro en Hongrie. Au Royaume-Uni, la question n’est plus à l’ordre du jour. Au plus fort de la crise de la dette, en 2011, les sommets de l’Union européenne ont donné lieu à des passes d’armes avec les États hors zone euro, Grande-Bretagne et Suède en tête. À brève échéance, seule la Lettonie adoptera l’euro le 1er janvier 2014, au prix de gros efforts d’austérité, et deviendra le 18e membre de la zone euro. La Croatie, qui a rejoint récemment l’Union européenne, devra, elle, attendre encore quelques années avant de passer à l’euro. Mais, qu’ils le veuillent ou non, la santé économique des onze États hors zone euro dépend d’une monnaie unique au plus mal. « La disparition de l’euro aurait un coût économique, commercial, financier et politique énorme, et c’est d’ailleurs pour cela qu’elle ne se produira très probablement pas », assure Patrick Artus, économiste, directeur de la recherche et des études de la banque Natixis [^3], cependant très critique : « Avec les institutions présentes, l’euro apporte de l’appauvrissement dans les pays en difficulté et plus les avantages qu’on attend normalement de lui. » Dans ces conditions, « la poursuite de la situation actuelle semble impossible à imaginer », estime l’économiste.

Partisan d’une sortie de l’euro, l’économiste Jacques Sapir a étudié l’évolution de la croissance des principales économies de l’Union européenne et constate que « les résultats des pays hors zone euro sont très largement supérieurs à ceux des pays de la zone euro. La Grande-Bretagne est, quant à elle, pénalisée à partir de la crise de 2007-2008 par la financiarisation de son économie [^4] ». Il constate aussi que « les trois principales économies de la zone euro (Allemagne, France et Italie) ont eu des taux de croissance bien plus faibles sur 2000-2007 du temps de l’euro que de 1986 à 1999. De manière significative, si l’on regarde les deux principales économies de l’Union européenne qui ne font pas partie de la zone euro, la Grande-Bretagne et la Suède, on voit que leur croissance tend à s’accélérer au moment de l’introduction de l’euro ».

En Suède, la non-appartenance à l’euro n’a pas évité une politique de mise en cause partielle des politiques sociales, de flexibilisation du marché du travail et de privatisations. De son côté, la Grande-Bretagne a organisé, « contrairement à la Banque centrale européenne, une politique non conventionnelle de rachat massif des obligations d’État. Cela n’empêche par le gouvernement britannique de mener une des politiques d’austérité parmi les plus dures en Europe », tempère Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic, qui pointe les politiques néolibérales validées par les États membres de l’Union européenne. En clair, faire partie ou non de la zone euro ne garantit pas une politique progressiste.

[^2]: Bulgarie, Croatie, Danemark, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Suède.

[^3]: « Honnêtement, ne serait-il pas plus raisonnable de casser l’euro ? », Flash économie n° 723, 24 octobre 2012.

[^4]: L’euro et la croissance, Jacques Sapir, 12 mai 2013, blog RussEurope.

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