Contamination(s)

Cette gauche félonne sait que la droitisation est une condition de sa tranquillité.

Sébastien Fontenelle  • 5 septembre 2013 abonné·es

Adoncques, dans le chaud de l’été, Jean-Luc Mélenchon relève – au grand dam du P« S », d’où quelques éminences lui déversent alors des tombereaux d’insultes sur le sommet de l’occiput – que Manuel Valls, ministre für Staatssicherheit, est « contaminé » par le Front national. C’est-y vrai ? Toutafé. Peut-on le vérifier ? Le plus facilement du monde. Il suffit, pour cela, de comparer ce que l’intéressé dit des musulman(e) s ou des Roms (qui selon lui « ne souhaitent pas s’intégrer » dans sa République) avec ce qu’en dit la Pen – et de constater que c’est grosso merdo la même chose, à ceci près, naturellement, que, si c’est la cheftaine frontiste qui lâche des saloperies phobiques, les « socialistes », des fois, s’offusquent (à l’unisson de Mélenchon), alors que, si c’est leur « camarade » von l’Intérieur qui les profère, leurs tanceries s’abattent sur le mauvais sujet qui a l’effronterie de les nommer pour ce qu’elles sont.

L’explication, toute simple, est qu’en vérité le parti solférinien s’accommode fort bien de la situation qui prévaut dans notre cher und vieux pays depuis déjà de longs ans, et que Jacques Rancière a sobrement décrite dans un récent bouquin [^2] : « L’extrême droite dite “populiste” n’exprime pas une passion xénophobe spécifique émanant des profondeurs du corps populaire ; elle est un satellite qui monnaie à son profit les stratégies d’État et les campagnes intellectuelles distinguées » où les oligarchies néolibérales désignent quotidiennement des boucs émissaires contre qui la plèbe est priée de tourner son ressentiment, durant qu’on lui casse la tirelire pour mieux gaver le patronat.

Pour le dire autrement, et plus nettement : cette « gauche » félonne tout entière sait que cette (extrême) droitisation est l’une des conditions nécessaires à sa tranquillité et que Manuel Valls, quand il agite l’épouvantail d’un « ennemi intérieur », maintient des inquiétudes sociétales où les vilenies antisociales du gouvernement, dont le ministre des Finances n’en finit plus de pactiser avec le Medef, passent (un peu) plus inaperçues. C’est cela, bien évidemment, que Jean-Luc Mélenchon met en lumière lorsqu’il constate la contamination du premier flic de France – et le silence assourdissant où son parti valide chacune de ses ahurissantes saillies sécuritaires.

Et c’est l’exposition de cette compromission – comme une nouvelle confirmation, pour qui en aurait encore (et un peu sottement) douté, qu’ils sont décidément de droite – qui fait sortir de leurs gonds les « socialistes », et qui leur fait, plombs pétés, agonir le boss du Parti de gauche : ils ne cessent, depuis des années, d’intenter contre lui, par une méthode piochée dans le corpus où s’équipe coutumièrement l’éditocratie réactionnaire, d’infects procès en extrême droitisation où les amalgames les plus dégueulasses tiennent lieu de « preuves » – mais ils n’acceptent pas que, dans ces matières, la vérité soit clairement dite sur leurs propres manquements. Je t’ai déjà dit je crois que je ne les aimais guère – et tu sais quoi ? Ça ne s’arrange pas. 

[^2]: Qu’est-ce qu’un peuple ? La Fabrique, 2013.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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