Drôle de « sécurisation »

Le projet de réforme valorise les régimes par capitalisation, à la demande de la Commission européenne et des marchés financiers.

Thierry Brun  • 26 septembre 2013 abonné·es

C’est une sorte d’aveu : garantir le système de retraite passe par la sécurisation des fonds de pension professionnels, ce que les rédacteurs de la nouvelle réforme, présentée en Conseil des ministres le 18 septembre, nomment les « régimes de retraite supplémentaire » d’entreprises.

Aucun mot n’a été prononcé par le Premier ministre sur ces régimes de retraite par capitalisation, certes peu nombreux, mais qui apparaissent dans l’article 33 (titre III) du projet de loi, qui sera en débat à l’Assemblée nationale à partir du 7 octobre. Le gouvernement justifie cet article par la nécessité de protéger les futurs rentiers et surtout d’éviter un contentieux communautaire dont l’issue serait défavorable à la France. La Commission européenne a en effet mis la France en demeure de se mettre en conformité avec une directive de 2008 « relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur ». Cette réglementation impose de ne pas laisser sans protection les bénéficiaires de pensions issues de régimes gérés directement par les entreprises. L’exposé des motifs de cet article 33 annonce qu’il « convient de contraindre les entreprises qui gèrent encore aujourd’hui leurs régimes de retraite en interne à les externaliser auprès d’un organisme assureur ».

Une aubaine pour les compagnies d’assurances et les banques qui seront chargées de « sécuriser » ces régimes, c’est-à-dire de « garantir le versement des rentes pour les personnes qui ont acquis ce droit dans leur entreprise ». Cette mesure imposée par la Commission peut certes paraître de bon aloi en cas de défaillance de l’entreprise. Elle confirme cependant la volonté de confier ces régimes de retraite supplémentaires aux marchés financiers, dans le cadre du marché unique européen des fonds de pension professionnels mis en place par une directive de 2003. La Commission considère ces fonds comme un des principaux piliers de la réorganisation des systèmes de retraite dans l’Union européenne. « Les fonds de pension professionnels ont un potentiel considérable : ils apportent une réponse aux problèmes posés par le vieillissement de la population et ils sont essentiels pour l’investissement de long terme et donc la croissance européenne », a déclaré le 23 mai Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur. La Commission européenne doit ainsi présenter à l’automne une proposition de directive « pour améliorer la gouvernance et la supervision des fonds de pension professionnels à l’automne 2013 », une réglementation destinée à renforcer ces produits financiers, au détriment des régimes de base par répartition.

La réforme de Jean-Marc Ayrault suit globalement les recommandations de Bruxelles émises le 29 mai, notamment celle enjoignant de « prendre des mesures d’ici à la fin 2013 pour équilibrer durablement le système de retraite en 2020 au plus tard », par exemple « en augmentant la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein », « tout en évitant une augmentation des cotisations sociales patronales ». Le renforcement des fonds de pension professionnels complète ce dispositif.

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