«Tirez la langue Mademoiselle», un très beau couple

Dans Tirez la langue Mademoiselle , Axelle Ropert met en scène deux frères médecins inséparables.

Christophe Kantcheff  • 4 septembre 2013 abonné·es

Certains films exigent un délai plus long que d’autres avant de se révéler. En l’occurrence, les défauts de Tirez la langue Mademoiselle sont si évidents qu’ils occultent dans un premier temps le reste. Le film souffre notamment d’un manque de rythme. Même si les « lois » scénaristiques n’ont rien d’inaliénable, et existent même pour être subverties, le récit de Tirez la langue Mademoiselle s’aligne sur une dramaturgie classique, ne réclamant pas de jouer avec les règles traditionnelles. Le film souffre donc de relâchements narratifs, de petits « ventres mous » qui auraient sans doute pu trouver une solution au montage ou dans une plus grande liberté prise au scénario.

Mais ces désagréments s’avèrent finalement secondaires. Car le film déploie un atout d’une très grande force. Il s’agit d’un couple de médecins, deux frères, Boris et Dimitri Pizarnik, qui pratiquent leur métier ensemble. Pas jumeaux mais fusionnels, incapables de se passer l’un de l’autre, habitant dans le même immeuble, se confiant tout de leur existence. Jusqu’à ce qu’une même femme, Judith (Louise Bourgoin), arrive dans leur vie et les bouscule. Mais avant cette péripétie, qui va tout de même ouvrir en eux une brèche existentielle, leur duo de médecins s’avère d’une harmonie très cinématographique. Axelle Ropert a fait un choix d’acteurs a priori audacieux : Cédric Kahn (Boris) et Laurent Stocker (Dimitri) n’ont rien, physiquement, de deux frères. Le premier, voix grave, carré, brun, rude ; le second, voix douce, blond, gracile, souriant. Mais les comédiens, comme leurs personnages, se montrent d’une complémentarité parfaite, c’est-à-dire d’une grande humanité. Et les plans les plus simples du film, où ils apparaissent côte à côte derrière leur bureau de médecins, alors qu’ils reçoivent un patient en consultation, sont parmi les plus émouvants. Les patients du film sont très souvent des enfants, en particulier Alice (Paula Denis), la fille diabétique de Judith. C’est avec eux que les médecins donnent leur meilleur, et ces scènes-là sont toujours d’une tendre fantaisie.

Tirez la langue Mademoiselle n’est donc pas un film parfait, mais sa figure centrale, un couple de médecins et de comédiens, s’impose comme une figure inédite et inoubliable. On ne retient parfois d’un film qu’une seule image. Mais quand celle-ci a cette force, cette présence, cette image en contient des milliers d’autres.

Cinéma
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