2014, un budget libéral

Avec Hollande, la finance « ennemie » a gagné.

Jean-Marie Harribey  • 31 octobre 2013 abonné·es

C’est le deuxième budget préparé par le gouvernement Ayrault sous la présidence de François Hollande. À l’automne 2012, l’orientation était déjà claire : après la ratification du pacte budgétaire, il s’agissait de réduire les déficits publics et d’accorder 20 milliards d’euros au patronat sous la forme du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), tout en évitant la réforme fiscale d’envergure promise. La loi de finances 2013 était bâtie sur une hypothèse de croissance de 0,8 %, qui ne sera pas réalisée, tout au plus 0,1 %, c’est-à-dire rien, compte tenu des marges d’erreurs statistiques. Avec un PIB stagnant, voire décroissant, la part des dépenses publiques augmente. Et, pour le Président, c’est trop : « La dépense publique atteint aujourd’hui 57 % de la richesse nationale. C’était 52 % il y a cinq ans. Est-ce que l’on vit mieux pour autant ? Non ! » Il a donc redoublé d’efforts dans la loi de finances 2014.

Le gouvernement table sur une croissance de 0,9 % en 2014, puis de 2 % en 2015, 2016 et 2017. Illusion socio-économique, sans parler de l’écologie. Le CICE va être financé par une hausse de la TVA à partir du 1er janvier prochain, donc par les ménages, dont le pouvoir d’achat, déjà en berne, sera amputé de 7 milliards d’euros. Du côté de l’investissement privé, c’est la bérézina : en 2013, il a reculé de 2,2 %, au lieu d’augmenter de 1,5 % comme espéré. Le gouvernement croit ce que lui dit le Medef : ce serait à cause des taux de marge insuffisants des entreprises. Pas du tout, c’est à cause d’une avidité trop grande des actionnaires, que les entreprises bichonnent, de peur qu’ils s’en aillent au vu de l’atonie générale. Dès que le patronat gronde, le gouvernement flanche : le projet de taxer l’excédent d’exploitation brut, puis net, est mort-né et fait place à une surtaxe provisoire sur les bénéfices des sociétés, dont l’assiette est plus étroite.

Mais le pas de plus accompli dans le budget 2014 concerne les dépenses publiques. Ce que Sarkozy avait amorcé avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), Hollande le poursuit avec la modernisation de l’action publique (MAP) : 15 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques en 2014, pour atteindre 75 milliards à la fin du quinquennat. Dès cette année, 6 milliards de coupes dans les dépenses sociales, dont 2 sur les retraites et avec une politique familiale discutable, rompant avec l’universalité pour concentrer les aides sur les plus pauvres (allocation de soutien familial et du complément familial). À ces restrictions s’ajoutent 6 autres milliards de baisse des dépenses de l’État, par le gel du point d’indice et la stagnation des effectifs (créations d’emplois dans l’Éducation compensées par des suppressions ailleurs). Enfin, les collectivités territoriales se verront attribuer 3 milliards de moins.

Pas de réforme bancaire, pas de réforme fiscale et budget d’austérité, c’est le triptyque libéral des politiques publiques. Au nom de la compétitivité et de l’équilibre budgétaire. En dépit du caractère utile et productif de l’activité non marchande et en dépit des énormes besoins d’investissements publics de transition écologique [^2]. Et, cerise sur le gâteau, le trading à haute fréquence intra-day ne sera pas taxé car cela mettrait en péril Euronext ! Avec Hollande, la finance « ennemie » a gagné.

[^2]: La Richesse, la Valeur et l’Inestimable , Jean-Marie Harribey, LLL, 2013.

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