Les agités du dimanche

Bien loin de la défense des travailleurs, des collectifs qui n’en ont que le nom organisent avant tout un lobbying patronal et libéral.

Thierry Brun  • 10 octobre 2013 abonné·es

«O n ne fait pas la manche, on veut le dimanche », lancent une poignée de salariés de Leroy Merlin et de Castorama. Ceux de Sephora, pas plus nombreux, sont dans la rue pour travailler la nuit… On se frotte les yeux ! Car aux cris de « yes week-end », et à grand renfort de tee-shirts et de « like » sur Facebook, il aura suffi de quelques jours d’agitation médiatique organisée par un Collectif des bricoleurs du dimanche pour que le gouvernement annonce une mission. La énième du genre : elle a en effet été confiée à Jean-Paul Bailly, ex-PDG de La Poste, qui s’était déjà exprimé sur le sujet dans un rapport de 2007, partisan d’aménagements… en faveur du travail du dimanche.

La mission Bailly répondra au coup de gueule organisé par des groupes créés en quelques heures sur les réseaux sociaux. Pourtant, le collectif Yes week-end, celui « des bricoleurs du dimanche », ainsi qu’une certaine Marie-Cécile, porte-parole des salariés de Sephora « qui veulent travailler de nuit », sont les vitrines d’un seul et même lobbying libéral. Yes week-end a pour jeune porte-parole des « travailleurs méprisés » Jean-Baptiste Jaussaud, qui, en coulisse, est aussi le représentant de la très libérale association Liberté chérie, dont la vocation est de « réformer » le modèle social français et d’être antisyndicale… Jean-Baptiste Jaussaud cumule les casquettes de promoteur en France du mouvement ultraconservateur des Tea Party et d’entrepreneur marseillais averti. Il a soutenu en 2012 le mouvement des « Pigeons entrepreneurs », qui a fait reculer le gouvernement socialiste sur la taxation des plus-values de titres de société, et dont Yes week-end s’est inspiré.

Les « bricoleurs du dimanche » sont quant à eux représentés par Gérald Fillon, employé au Leroy Merlin de Gonesse (95), qui surfe sur la vague du collectif et de la pétition avec sa page Facebook. Reçu à Matignon en lieu et place des syndicats représentatifs du personnel, ce prétendu collectif bénéficie des conseils d’une agence de communication, rétribuée par les directions de Castorama et de Leroy Merlin, des enseignes condamnées à fermer leurs magasins le dimanche en Île-de-France. Et le surprenant mouvement né autour de l’enseigne Sephora et de son magasin des Champs-Élysées, condamné à respecter la loi sur le travail de nuit, est animé par Marie-Cécile Cerruti, militante UMP qui s’affiche en compagnie de Jean-François Copé. La jeune femme est membre du bureau national du Mouvement des étudiants (MET, classé à droite), la branche universitaire du syndicat UNI. Avec ses messages réactionnaires parés de vertus, ce lobbying 2.0 n’a d’autre objectif que de manipuler l’opinion publique et de « faire bouger le gouvernement ». Loin de la défense collective des « travailleurs méprisés ».

Publié dans le dossier
Le temps des démagogues
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