Mathieu Hanotin (PS) : « Les communistes ont fait leur temps »

Le 27 août, Mathieu Hanotin déclarait sa candidature à la mairie de Saint-Denis. Tombeur de Patrick Braouezec aux législatives de 2012, il avait déjà pris en 2008 un canton de la ville au PCF.

Pauline Graulle  • 8 octobre 2013
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Mathieu Hanotin (PS) : « Les communistes ont fait leur temps »
© Photos: AFP et DR
Entretien réalisé lors de l'université de rentrée du courant "Un monde d'avance", le 28 septembre.

À 35 ans, le socialiste Mathieu Hanotin , ancien militant de l’Unef, député de la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis (Saint-Denis, Pierrefitte), vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis en charge de l’éducation et de la jeunesse, rêve d’un troisième mandat qui l’installerait dans le fauteuil de maire de la 3e ville d’Île-de-France (106 000 habitants). C’est au retour de l’université d’été de La Rochelle que ce jeune homme pressé a déclaré sa candidature dans la presse. Sans attendre l’investiture de son parti qui ne sera définitive qu’après un vote des adhérents locaux du PS, jeudi soir, et sa ratification en conseil national.

Illustration - Mathieu Hanotin (PS) : « Les communistes ont fait leur temps »

Politis : Pourquoi vous présentez-vous ?
Mathieu Hanotin : Pour moi, le pouvoir en place a fait son temps. Les élus communistes, Patrick Braouezec en tête, ont fait des choix. Certains sont réussis, comme le Stade de France, d’autres sont mauvais. La philosophie de Braouezec, selon laquelle Saint-Denis doit être « la ville de tous les “sans” » , a trouvé ses limites. Aujourd’hui, il y a un équilibre social qui a été cassé à Saint-Denis : il y a des quartiers qui ne vivent pas ensemble, qui s’ignorent, qui s’excluent… Cela provoque un sentiment de laisser-aller et de laisser-faire qui s’est généralisé partout, sur la situation économique, sur la sécurité, la propreté, etc. Moi, ce que je veux, c’est créer une ville équilibrée. Ces municipales doivent être l’occasion d’un rebond pour emmener l’ensemble de la population dans un mouvement de progrès et casser ce sentiment de dégradation. 

« On ne peut pas faire venir uniquement l’extrême misère du monde. »

Votre objectif est-il de faire venir les « bobos » parisiens à Saint-Denis, comme on vous en prête l’intention ?
Ce n’est pas ce que j’ai dit. Mais on ne peut pas faire venir uniquement l’extrême misère du monde. La solidarité, ce n’est pas « les pauvres qui paient pour les encore plus pauvres »  ! Cela fait un an que j’essaie de discuter avec les communistes, avec les acteurs de la ville, les présidents d’association, etc., pour essayer de dresser un constat lucide de la situation. Je suis convaincu que c’est un nouveau cycle qui s’ouvre. La dynamique « Stade de France » est derrière nous. Maintenant, il y a le « Grand Paris » qui arrive, et Saint-Denis est une porte d’entrée de l’Europe… Il y a un potentiel extraordinaire qu’il faut exploiter par une autre politique qui n’est pas « on prend les mêmes, on recommence ». Dans ces conditions, faire une alliance pour avoir quatre ou cinq places d’adjoints, cela n’a pas de sens.

Vous brisez donc l’accord d’unité entre les communistes et les socialistes…
Que signifie l’unité s’il n’y a pas de menace à droite et à l’extrême droite ? Dans une ville qui vote à 80 % à gauche à la présidentielle, où la droite fait 9 % au premier tour des législatives et où le FN ne fait que 9 % ? Le rassemblement, contrairement à l’unité, implique un constat et un projet partagé. Or, ce constat et ce projet commun, on ne les a pas. Par exemple, les communistes estiment que le projet de métropole – qu’ils nomment « nécropole » – est du « round-up » administratif, alors que, pour moi, c’est une chance incroyable pour Saint-Denis, une occasion de mutualiser les moyens. Cela ne m’intéresse donc pas d’aller au devant des électeurs sur un rassemblement factice qui aurait juste pour but de se répartir le gâteau. Ce que je veux, ce sont des solutions pour changer Saint-Denis, qui, dans toute la France, a une image de relégation. Moi, je suis fier d’habiter dans une ville qui vit au-delà de ses antagonismes. Or, le sentiment qui domine, c’est qu’à l’échelle de la commune demain sera pire qu’aujourd’hui. Les communistes sont beaucoup dans la culture de l’excuse et, quelque part, du renoncement : « La sécurité, c’est pas moi, c’est l’État » , disent-ils. Résultat, à Saint-Denis, on a 30 policiers municipaux pour 110 000 habitants, ce qui est largement en dessous de la moyenne nationale qui est de 1 policier pour 1 000 habitants. Cela conduit au fait que le maire prend des arrêtés municipaux, mais qu’il n’a pas la police pour les faire respecter.

« En 2008, le PCF pensait pouvoir écraser le PS »

N’avez-vous pas peur d’entrer dans un duel « gauche contre gauche » délétère sur le plan national ?
D’abord, je n’ai pas de leçons à recevoir du PCF : Braouezec s’est maintenu contre moi au second tour des dernières législatives, en exaltant le sentiment de « dionysité » [du nom des habitants de Saint-Denis, les Dionysiens, NDLR], ce qui m’a scandalisé. De même, c’est le PCF qui a refusé la fusion des listes en 2008 car il pensait pouvoir écraser le PS… Le débat à gauche au premier tour doit avoir lieu de manière tranquille, mais il doit exister, sinon on prend les gens en otages ! Une démocratie, ça sert à avoir une règle du jeu commune pour arbitrer les désaccords.

Vous avez voté pour la fin du cumul des mandats. Si vous êtes élu maire de Saint-Denis, démissionnerez-vous de votre mandat de député ?
Je démissionnerai de mon mandat de vice-président du conseil général, puisque la loi interdit d’ores et déjà de cumuler trois mandats. Mais j’ai pris l’engagement devant les électeurs de les représenter à l’Assemblée nationale jusqu’en 2017, et je tiendrai cet engagement. Ce qui compte, c’est de susciter des dynamiques de progrès au niveau local, et je suis le mieux placé pour incarner une alternance crédible à Saint-Denis.

Politique
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