Pour cause de budget, la gratification des stagiaires dans le secteur public est suspendue

Lena Bjurström  • 30 octobre 2013 abonné·es

Un pas en avant, un pas en arrière. Le 22 juillet dernier, un amendement de la loi sur l’enseignement supérieur étendait l’obligation de gratification des stages au secteur public. Mais, dans un communiqué du 25 octobre, le ministère de l’Enseignement supérieur a annoncé la suspension de cette extension.

Illustration - Pour cause de budget, la gratification des stagiaires dans le secteur public est suspendue - Manifestation de précaires à Paris, le 30 avril 2011.

Pour le moment, seul le secteur privé est dans l’obligation de verser à ses stagiaires présents plus de deux mois consécutifs une rémunération équivalant à 12,5 % du plafond horaire de la Sécurité sociale, soit 436,05 euros pour un mois complet à 35 heures par semaine.

La loi de juillet dernier étendait cette obligation aux organisations jusque-là non concernées : les associations et l’État.

Une « avancée » , aux yeux de Génération précaire, collectif de défense des droits des stagiaires, mais une avancée… suspendue.

Dans un communiqué du 25 octobre, le ministère de l’Enseignement supérieur a annoncé la suspension de cette mesure pour l’année 2013-2014, dans l’attente d’une « concertation » avec « les organismes d’accueil concernés » qui pourraient bien manquer de budget.

Les collectivités locales ont vu leur dotation réduite de 1,5 milliard d’euros pour 2014, ce qui a des conséquences directes sur les associations. Pas vraiment de quoi inciter au recrutement de stagiaires.

Début octobre, des étudiants ont manifesté, à Bordeaux et à Poitiers notamment, contre des effets pervers de cette mesure. Par manque d’argent, les offres de stage se feraient rares.

Cette mesure d’équité, pour tous les stagiaires quelle que soit leur structure d’accueil, est donc suspendue. « L’hypocrisie est réelle , dénonce Génération précaire dans un communiqué, le Parlement vote un amendement mais ne donne pas aux collectivités locales le moyen de le mettre en place. »

Lire l’intégralité du communiqué de Génération précaire

Génération précaire dénonce le recul du gouvernement concernant la gratification des stages.

Sitôt votée, sitôt enterrée ? Le ministère de l’Enseignement supérieur vient de
renvoyer aux calendes grecques l’extension de la gratification des stages dans les
collectivités territoriales, les établissements publics de santé et du secteur
médico-social pourtant votée… il y a à peine trois mois ! Cette avancée en date du 22 juillet 2013 venait enfin finaliser l’obligation de gratification universelle
décidée en janvier 2006 !

Une concertation est lancée, mais le communiqué du gouvernement annonce surtout que la loi sera contournée : « Les conventions de stage prévues pour l’année scolaire 2013-2014 peuvent être conclues sans obligation nouvelle de gratification. »

L’hypocrisie est réelle : le Parlement vote un amendement mais ne donne pas aux
collectivités locales le moyen de le mettre en place. En effet, la dotation aux
collectivités locales doit être réduite de 1,5 milliard d’euros pour 2014 (cf Projet
de loi de finances). Dans ces conditions, les hôpitaux et collectivités n’auront pas
mis longtemps à obtenir gain de cause, faisant part de leurs difficultés à payer
leurs futurs stagiaires 436, 05 euros par mois.

GénérationPrécaire dénonce ce nouveau recul.

François Hollande le soir de son élection annonçait vouloir être jugé sur « la
justice et la jeunesse ».

Avec cette annonce, François Hollande et son gouvernement obtiennent un double zéro:

a.. zéro en matière de justice puisque certains étudiants seront gratifiés et
pourront cotiser pour leur retraite et d’autres non, selon les structures qui
les accueilleront.

b.. zéro pour la jeunesse: au lieu d’encadrer les stages, et d’améliorer la
gratification, on les développe sans contrôle.

C’est un signal désastreux, alors que se multiplient les offres de stages emplois
déguisés pour les fêtes de Noël (ici chez Lancel, maîtrise du mandarin obligatoire,
ici deux stagiaires pour le marché de Noël de Nantes…).

GP demande au gouvernement de faire appliquer la loi, que cela soit en faisant
pression auprès des collectivités territoriales pour que les fonds soient débloqués,
à l’image de ce qu’avait fait l’ancien ministre Xavier Bertrand en 2008 (source ici
reprise ici), ou en soutenant financièrement les collectivités et établissements en
difficulté.

Génération Précaire réclame aussi un plafond maximal de 10% de stagiaires par
entreprise et l’inscription du stage dans le registre unique du personnel afin de
permettre un réel contrôle des abus. En effet, une réglementation est aussi
nécessaire qu’une extension de gratification. Pour cela, il faudrait commencer par
aller jusqu’au bout de ses idées. le gouvernement semble s’être pris les pieds dans
les siennes !

L’équité des gratifications de stages est donc suspendue jusqu’à nouvel ordre ou « renvoyée aux calendes grecques » , craint Génération précaire.

Société
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