« Touche pas à ma pute » : Le « Causeur » porte à droite

Si le manifeste des « 343 salauds » crée un scandale, il dit surtout l’idéologie néoréactionnaire prônée par le mensuel.

Jean-Claude Renard  • 7 novembre 2013 abonné·es

Gisèle Halimi a dû s’étouffer en lisant la liste des signataires : Nicolas Bedos, son filleul, alors qu’elle est l’une des initiatrices du manifeste « J’ai avorté », publié en 1971 dans le Nouvel Observateur, clamant le droit à l’avortement – avant d’être rebaptisé ironiquement « le manifeste des 343 salopes » par Charlie Hebdo. Nicolas Bedos signe donc ce manifeste des « 343 salauds » dans le mensuel Causeur paraissant ce jeudi 7 novembre. À la une : « Touche pas à ma pute ». Fallait-il attendre autre chose de Causeur, magazine néoconservateur ultralibéral, fagot sensationnel porté par le racolage (passif ?). Prétextant que « des confrères n’ont pas respecté la tradition de l’embargo » (le nom des signataires a fuité avant la parution), le journal a vendu son numéro en version PDF une semaine avant sa sortie en kiosque. Ou comment surfer sur un buzz certainement calculé. Alors que la polémique enflait, certains signataires n’ont plus assumé, comme le producteur Daniel Leconte ou Nicolas Bedos (qui continue malgré tout à dire du bien de la très réac Élisabeth Lévy, la rédactrice en chef). D’autres n’ont pas retiré leur signature, comme les écrivains Frédéric Beigbeder, Pascal Bruckner, Dominique Noguez, Benoît Duteurtre ou Marc Weitzmann, ainsi qu’une kyrielle de lyriques droitiers et ultra-droitiers. Tels Éric Zemmour ou Ivan Rioufol, journaliste au Figaro, conservateur chrétien et islamophobe. On y trouve aussi Richard Malka, avocat de DSK (vu le sujet, ceci explique cela), de la crèche Baby Loup ou de Charlie Hebdo (notamment pour les caricatures).

Dans le numéro d’octobre, agrémenté de pubs pour l’Opinion et Valeurs actuelles, la part belle est consacrée à Alain Finkielkraut et à son dernier opus, l’Identité malheureuse, « dont les thèmes sont pour une part issus du dialogue exigeant et fructueux mené avec Élisabeth Lévy sur RCJ ». Un hasard, sans doute, de retrouver ici la rédactrice en chef du magazine, thuriféraire de la politique belliciste d’Israël. On y lit aussi que Taubira, « au mépris de la sécurité des Français, refuse d’augmenter le nombre de places de prison », ce qui est faux. Dans les précédents numéros, la charge contre le mariage pour tous était violente, tout comme celles contre Edwy Plenel ou à l’encontre des juges, lors de l’affaire du « mur des cons ». À y regarder de près, de nombreux signataires sont liés à Causeur. Outre le directeur de publication, Gil Mihaely, et Élisabeth Lévy, on compte les chroniqueurs et rédacteurs du mensuel : Jacques de Guillebon, Jean-Michel Delacomptée, Marc Cohen, Jérôme Leroy et Basile de Koch (marié à Frigide Barjot, ceci explique cela, bis repetita ), ou encore Luc Rosenzweig. Ce dernier signant sur le site un élogieux billet sur la chronique géopolitique de Frédéric Encel sur France Inter, taclant la « naïveté » de Bernard Guetta au profit d’un « pédagogue né », accessoirement ex-membre du Betar (l’extrême droite sioniste). On observe enfin sur le site du journal le choix des confrères à consulter, et dont les dernières couvertures ont dû le rendre jaloux : le Point et Valeurs actuelles. Soit une rédaction qui a choisi le camp de l’ignominie racoleuse décomplexée.

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