« 2 automnes 3 hivers », de Sébastien Betbeder : Quelle vie devant soi ?

Sébastien Betbeder transforme une histoire banale en petit bijou d’invention narrative.

Christophe Kantcheff  • 19 décembre 2013 abonné·es

«En quoi la vie d’un jeune homme de 33 ans qui se prénomme Arman est-elle intéressante ? » C’est la question que pose Arman (Vincent Macaigne) au tout début de 2 automnes 3 hivers. Et c’est ce à quoi répond, à sa façon, ce troisième long métrage de Sébastien Betbeder, adjoignant dans « la vie » d’Arman trois autres personnages de son âge : Amélie (Maud Wyler), son amoureuse, Benjamin (Bastien Bouillon), son meilleur ami, et Katia, la compagne de ce dernier (Audrey Bastien).

Arman a décidé de changer de vie. Autrement dit, il compte désormais vivre en adulte à part entière et construire quelque chose. Arman et Amélie tombent amoureux l’un de l’autre après un épisode un peu rocambolesque où le premier sauve la seconde des mains de mauvais garçons, au prix d’un coup de couteau dans le ventre. Vient ensuite le temps du couple, puis des premiers malentendus, et enfin de la première rupture, avant une réconciliation peut-être durable. Bref, ce que vivent là ces personnages est certes important pour eux mais très ordinaire (hormis le coup de couteau !). Ce en quoi l’existence d’Arman est « intéressante » ne tient donc pas à son déroulement en soi. Elle le devient par la manière dont les événements qui la constituent sont racontés.

C’est ainsi que le cinéaste multiplie les monologues, qui instaurent notamment une mise à distance humoristique, joue sur les niveaux de langage, insère même des épisodes fantastiques – la scène insolite et troublante de la rencontre d’Arman et de son père décédé depuis longtemps (Jean-Quentin Châtelain) dans la neige. En fait, Sébastien Betbeder transforme une histoire relativement banale en petit bijou d’invention narrative. Cette originalité formelle puise dans la littérature (les monologues, la construction en chapitres, l’emploi du passé simple…), sans pour autant que le texte n’étouffe jamais l’image. C’est qu’on ne sent pas de « dispositif » dans ce film, mais plus sûrement une interrogation élégante – car toujours souriante, même quand sont explicitement citées quelques références cinématographiques : Eugène Green, Apatow, Bresson, Tanner… – sur la manière de reformuler, en des termes contemporains, un roman d’apprentissage. Du coup, 2 automnes 3 hivers capte avec justesse et sans s’appesantir un certain désarroi de notre époque et une difficulté à envisager l’avenir.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes