Ces héros qui nous fabriquent

Comment les figures de notre enfance continuent-elles de nous accompagner à l’âge adulte ? Plusieurs personnalités dévoilent leur héros.

Politis  • 19 décembre 2013 abonné·es
Ces héros qui nous fabriquent

Au départ, cette idée que nos héros d’enfance nous accompagnent… Perchés sur nos épaules pour nous taper dans le dos ou nous tirer les oreilles selon que l’on est fidèle ou traître à nos rêves. Ou cachés dans des plis de mémoire qui se déroulent parfois pour nous adresser des clins d’œil. Si ces héros ont leur histoire, ils représentent aussi un peu de la nôtre, de l’époque où nous les avons découverts, du contexte dans lequel ils ont jailli des pages d’un livre ou d’un écran. Ce sont souvent des enchanteurs, gardiens de la clé des champs, mais aussi des pourvoyeurs de « trucs » pour transcender le quotidien ou affronter ses peurs.

« Qu’importe que [le héros] ait tous les pouvoirs ! Où serait son mérite ?, interrogeait dans Télérama Jean-Philippe Arrou-Vignod, écrivain et directeur de collection chez Gallimard à l’occasion de l’exposition l’Étoffe des héros qui se tenait au Salon du livre et de la presse jeunesse à Montreuil fin novembre (voir Politis.fr). Le héros, pour m’intéresser, doit se surpasser, se montrer capable de surmonter ses handicaps. En un mot, me ressembler mais en plus courageux, plus déterminé, susceptible d’accomplir des prouesses qui me sont inaccessibles. » L’autonomie de Tarzan, la magie de Mary Poppins, la victoire sur la mort d’Harry Potter… Aimés pour leur force – leurs pouvoirs – les héros sont des fabriques d’idéaux. Souvent nobles mais pas toujours : « De nos jours, les héros sont moins corsetés qu’auparavant, poursuit Jean-Philippe Arrou-Vignod. La littérature de jeunesse est débarrassée de ses missions d’édification morale, ses personnages sont devenus plus ambigus, complexes, parfois négatifs […]. Ils expriment ainsi ce que nous voudrions être, mais aussi ce que nous craignons de devenir. » Publié en 1964, Max et les Maximonstres, de Maurice Sendak, en est un des premiers exemples. Avant cette date, peu de héros troubles. Ils étaient engourdis par la finalité éducative, du Télémaque de Fénelon aux Petites Filles modèles de la comtesse de Ségur. Ils étaient surtout principalement masculins. C’est moins le cas aujourd’hui, où l’on voit surgir davantage d’héroïnes. Tout de même, certaines ont réussi à traverser le temps : Fifi Brin d’acier, Jo March, Peau d’âne, Cendrillon, la Petite Sirène, Heidi, Super Jamie, Yoko Tsuno, Laura Ingalls, et toute une série de « Belle »…

« L’héroïne et le héros participent à la construction collective d’une image idéale, d’une sorte de surmoi social auquel les jeunes générations peuvent s’identifier. Ils dépendent ainsi de ce que René Kaës appelle “l’appareil psychique groupal” », explique Jean Perrot dans les Héros dans les productions littéraires pour la jeunesse (L’Harmattan). Le rôle du héros collectif frappe comme une évidence quand on pense à Ulysse… ou à Jack Bauer. « Umberto Eco montre aussi, dans De Superman au surhomme, comment des personnages symboliques, de Rocambole à Monte-Cristo, d’Arsène Lupin à James Bond, de Tarzan à Superman […], ne vieillissent pas, car ils sont porteurs de traits caractéristiques, parfois à la limite de la déformation caricaturale. » Autre effet du héros : il tend un miroir, soulignant une aspiration ou un trait de personnalité. Il agit aussi comme une madeleine offrant un accès immédiat à un moment de l’enfance ou de

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