Les droits des femmes victimes d’une erreur de traduction?

Le vote du Parlement européen rejetant le rapport Estrela, un texte sur les droits des femmes et l’avortement, a-t-il été faussé ? Décryptage.

Lena Bjurström  • 16 décembre 2013 abonné·es

Le 10 décembre, le Parlement européen enterrait le «Rapport Estrela» , du nom de la députée socialiste portugaise Edite Estrela, vice-présidente de la commission pour les droits de la femme et l‘égalité des genres.

Ce «rapport d’initiative» prônait un accès généralisé en Europe à la contraception et à de services d’avortements sûrs, reconnaissant ainsi, sur le principe, l’avortement comme un droit européen. Ce texte purement symbolique, puisque non-contraignant, a déclenché l’ire des députés conservateurs qui ont contré la proposition en déposant un texte alternatif affirmant la primauté des Etats-membres sur de telles questions.

A l’heure du vote, c’est cette motion alternative qui a été adoptée, par 334 voix contre 327, enterrant définitivement le rapport Estrela, au grand dam de la gauche et des associations féministes.

Mais depuis dimanche, une vidéo circule sur Internet, contestant les résultats et demandant un nouveau vote des textes.

(Vidéo actualisée le 18 décembre 2013)

Le vote, affirme la vidéo, a été biaisé par une erreur de traduction simultanée.

« Rejeitar », «reject» , « appuyer »

Lors de sa prise de parole avant le vote, l’eurodéputée Edite Estrela a appelé, en portugais, à rejeter la motion alternative des conservateurs afin que son rapport puisse ensuite être voté. Mais, la traduction que les députés français ont entendu invitait, elle, à soutenir la motion alternative. Il en serait de même pour les députés allemands. La traduction simultanée anglaise en revanche, transmettait la demande de rejet prononcée par Edite Estrela.

Voir l’enregistrement vidéo de la séance, avec les différentes traductions simultanées sur le site du parlement européen.

Cette erreur de traduction a pu induire en erreur quelques députés. Sociaux-démocrates, par exemple, puisque trois d’entre eux ont soutenu la proposition conservatrice. Et l’adoption du texte conservateur s’étant joué à 7 voix près, le doute est suffisant pour nécessiter un nouveau vote, selon l’auteur de la vidéo.

A quelques corrections près

Des corrections de vote ont bien été apportées après la séance. Mais la plupart venant de députés absents, ou abstentionnistes, l’erreur de traduction ne semble pas avoir changé la donne.

Jean-Luc Benhamias, eurodéputé centriste, explique ainsi s’être abstenu en premier lieu. Mais il a ensuite modifié son vote, s’opposant au texte conservateur et reconnaissant au rapport Estrela une forte portée symbolique.

Il est donc peu probable que l’erreur de traduction ait véritablement faussé le vote. En revanche, les corrections de vote consignées a posteriori auraient pu changer la donne.

Si les corrections avaient été incluses, le parlement se serait retrouvé dans l’impasse, avec 334 voix pour, 334 voix contre.

Mais le règlement du parlement européen est clair : tout changement exprimé avant l’annonce des résultats est pris en compte. Toute demande de correction exprimée a posteriori est consignée, mais ne change pas le résultat du vote.

Le rapport Estrela sur les droits sexuels et génésiques a ainsi été balayé, à sept voix près.

Société Monde
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